TRENTE-TROISIÈME INSTRUCTION
LA FLAGELLATION.
«Je ne trouve rien en lui qui mérite la mort; je le ferai
châtier et je le renverrai.»
Luc. 23-22
Plan
Remarque. (La raison ne voit que faiblesse,
folie et cruauté. Dans la Passion: (La
foi voit la puissance, la sagesse et l’amour.
(Tourment affreux. La
flagellation: (Motifs de Jésus.
(Soumission à son Père.
(Sentiments de Jésus. (Confiance
en Dieu.
REMARQUE Souvent, moins il y a d’espèces sensibles
dans les mystères de la vie de Jésus plus ils cachent de richesses spirituelles
pour nous. C’est que l’amour ne se livre
pas au premier venu; plus il est précieux et plus il se cache afin de se faire
désirer davantage pour se faire mieux apprécier. Ainsi les Saints ont tiré grand profit
spirituel de la contemplation de ce supplice de Jésus, pourtant l’Evangile n’a
qu’un mot: Il fut flagellé. Aucun détail
n’est donné, ni aucun développement.
Pourtant ce devait être un des plus grands tourments de la passion. Ceux-là seuls qui réussiront à se frayer un
passage jusqu’au Coeur de N.S.
découvriront les trésors de sagesse et d’amour que Jésus manifeste dans
la flagellation. Aucun mondain ni aucun
qui a des attaches, ni ceux qui aiment le monde ne sont capables d’y
pénétrer. Il n’y a que ceux qui veulent
sincèrement aimer Dieu et qui le montrent par leurs sacrifices des échantillons
qui entreront dans les sentiments intérieurs de Jésus pendant sa passion. C’est en proportion qu’un chrétien se vide le
coeur des deux amours naturels que nous avons tous par nature: l’amour des
créatures et l’amour de soi, qu’il lui sera permis de pénétrer dans ce foyer
immense de l’amour divin. Tout de même
les imparfaits ne doivent pas abandonner la méditation des souffrances de
Jésus, même s’ils restent vides. Jésus
voit leur bonne volonté et il ne manquera pas de leur donner quelque bonne
grâce qui leur aidera à se vider le coeur des amours naturels. Donc quelque soit la difficulté de méditer
sur la flagellation, faisons-le avec bonne volonté et grand désir d’arriver un
jour à l’amour concret de Dieu.
Demandons à la Ste-Vierge de nous aider à concevoir les sentiments de
Jésus pendant cet horrible supplice.
N’allons
pas aborder ce sujet avec la raison ou mieux selon la façon de juger de la
raison, mais uniquement au point de vue de la foi. Nous sommes tellement habitués à tout juger
selon la raison que nous sommes exposés à le faire quand il s’agit d’un sujet
surnaturel et d’une sagesse toute divine.
C’est là un échec pour plusieurs.
Ce n’est pas l’esprit qui doit pénétrer le premier dans le monde
surnaturel, mais le coeur et l’amour. Et
comme les hommes ont de la difficulté de s’adapter au monde qu’ils
considèrent! Dieu est amour et Jésus dit
que c’est dans sa passion qu’il nous montre le plus son amour. Or est-ce que c’est par l’esprit qu’on gagne
le coeur d’une personne? C’est par
l’amour. L’amour se révèle à l’amour
seul. Eh bien! ne manquons pas d’essayer de mettre le plus
d’amour possible dans ces contemplations sur les mystères de la passion de
Jésus.
Dans
la passion….
La
raison ne voit que faiblesse, folie et cruauté.
Il est certain que la raison avec ce que les sens lui fournissent de la
passion de Jésus est révoltée. On voit
un homme qui agit comme un enfant sans défense; il se laisse garrotter par les
soldats de Judas, se laisse conduire chez Anne et Caïphe sans rien dire et se
laisse outrager affreusement sans une plainte… et il se dit celui qui gouverne
le ciel et la terre: S’il est Dieu, il était si facile de s’échapper de ses
ennemis!
Quelle folie pour un médecin qui veut nous guérir en se laissant
blesser! Qui se fait pauvre pour nous
enrichir: et qui meurt pour nous donner la vie!
et il veut que nous ayons confiance en lui! La cruauté dont il est l’objet fait frémir la
nature humaine. Des pieds à la tête il
n’est que plaies et après avoir été flagellé cruellement, il meurt dans un
supplice infâme sur la croix.
Voilà
donc comment la sagesse humaine est arrêtée au seuil de la passion de Jésus par
des considérations de ce genre qui lui répugnent souverainement. La raison se détourne de tant de choses qui
la contrarient. Par conséquent c’est
parfaitement inutile d’essayer de contempler la flagellation au point de vue de
la raison humaine. Prenons tout de suite
le Point de vue de la foi.
A
cette lumière tout change; avec la lumière du St-Esprit la face de la terre est
renouvelée et les choses sont créées de nouveau comme dans un monde
nouveau. Jésus dit qu’il doit boire le
calice que son Père lui présente.
Puisque sa passion vient d’une certaine façon de son Père, c’est donc
qu’elle vient de la sagesse, de la bonté et de la miséricorde infinies. Si nous voyons le côté divin de la passion de
Jésus nous finirons peut-être par voir aussi le côté divin de nos croix qui
sont des échantillons de la passion de Jésus.
C’est
difficile de voir ce point de vue; nous avons tant d’obstacles en nous pour
arriver au divin. Mais est-ce que les
hommes regardent les difficultés quand ils savent qu’ils vont trouver la
richesse au fond? Par exemple comme les
mineurs d’Alaska travaillent dur pour trouver un peu d’or à des cinquante pieds
sous terre et cela à travers la terre gelée.
Eh bien, nous savons par l’Ecriture que les trésors de la sagesse et de
la science divines sont cachés dans la passion de Jésus ou dans la doctrine de
la croix. Est-ce que cela ne doit pas
nous suffire pour nous encourager à contempler les souffrances de Jésus malgré
notre répugnance naturelle? Dieu devait
avoir de bonnes raisons pour laisser son Fils unique souffrir tous ces
tourments. Essayons de les trouver pour
en faire notre profit spirituel.
Jésus
montre une puissance extraordinaire pour préparer sa venue dans le monde
pendant tant de siècles et en conduisant son peuple où il le voulait malgré ses
ennemis et les résistances du peuple même.
Il prêche malgré ses ennemis tant qu’il le veut et il se laisse prendre
quand il le veut et comme il le veut.
«Je donne ma vie et je la reprends quand je veux», dit-il. Quand par un mot il étend les soldats qui
viennent pour l’arrêter, qu’il guérit l’oreille de Malchus coupée par l’épée de
Pierre: c’est de la puissance cela! Pour
le tenir attaché à la colonne de la flagellation, il faut une puissance infinie
pour dominer le Tout-Puissant. C’est
l’amour infini qui est plus fort que sa toute-puissance infinie! C’est parce qu’il veut nous sauver qu’il se
fait faible aux mains des pécheurs. Il
veut expier nos péchés et nous avoir avec lui au ciel. Voilà pourquoi il s’abandonne à ses
ennemis. On sait qu’il faut une certaine
force morale pour se laisser piquer par un simple maringouin et d’autant plus
qu’il est facile de le chasser et de le tuer.
Eh bien, imaginons la force morale de Jésus qui subit tant de tortures
quand il pourrait d’une parole anéantir ses bourreaux! Jésus montre sa sagesse infinie en nous
enseignant l’énormité du péché et les châtiments qu’il mérite en même temps
nous méritant la grâce de n’y plus retomber si nous suivons Jésus. Les faits sont plus éloquents que les
paroles. Ces souffrances de Jésus
devraient nous éloigner de tout péché quelque passionnant qu’il puisse être,
puisqu’il faut l’expier si cruellement.
Que pouvait-il faire de mieux que de se montrer à nous expiant nos
péchés tels qu’ils apparaissent à Dieu.
C’est la bonté infinie et la miséricorde infinie qui traitent Jésus de
la sorte; alors les hommes devraient mieux comprendre la gravité des péchés et
se déterminer à ne jamais plus en commettre.
Voilà ce que nos jouissances de quelques minutes ont coûté à Jésus qui
n’était pas le vrai coupable! Qu’est-ce
que Dieu ne fera pas aux vrais pécheurs qui n’expient pas leurs péchés avant la
mort?…
Les
hommes sont portés à juger les péchés comme des péchés contre les hommes; ils
sont bien indulgents les uns pour les autres; ils excusent facilement les
péchés contre la pureté. De là ils
passent facilement à Dieu pour dire qu’il est si bon qu’il aura bien pitié des
pécheurs et ils en profitent pour pécher encore plus. C’est une présomption très dangereuse. Qu’ils voient donc comment ce Dieu si bon a
puni le péché dans son Fils bien-aimé.
Ils ne veulent pas considérer les souffrances de la passion comme trop
grandes. Mais voilà un fait historique
d’une punition de Dieu! Or les vrais
pécheurs seront sûrement encore plus punis.
Jésus nous le dit: «Si on traite ainsi le bois vert que ne fera-t-on pas
du bois (mort) sec?» La miséricorde divine était pourtant là aussi, mais la
justice divine aussi. Pourquoi tant de
prêtres et de fidèles aiment tant à isoler la miséricorde comme si la justice
n’était pas là? C’est l’erreur à l’opposé
de celle des Jansénistes; eux ne parlaient que de justice et les modernes ne
parlent que de miséricorde; les deux sont dans l’erreur. On ne sépare pas ces deux attributs de Dieu. Comme on le voit dans Jésus la justice divine
punit comme la miséricorde pardonne.
Quand
on sait que tout ce qu’il y a de cruel dans la passion est nécessaire pour
enlever la pourriture du péché, on regarde ces souffrances comme celles que
cause le chirurgien pour enlever ce qui est pourri en nous. C’est un mal pour un grand bien et cela lui
enlève ce qu’il pourrait avoir d’odieux.
Dans une opération on pense plus à la vie que nous sauvons qu’au membre
que nous perdons. Qu’on fasse de même
dans la passion de Jésus; pensons plus à ce qu’il nous mérite qu’à ses seules
souffrances.
C’est
à force de nous arrêter au point de vue divin que nous arriverons à nous
affectionner à cette contemplation si utile pour la vie spirituelle. Les saints y revenaient constamment et
toujours avec plus de profit surnaturel.
Le secret est de ressembler à Jésus autant que possible. Mieux on accepte les croix que Dieu nous
envoie et plus nous pouvons comprendre le coeur de Jésus dans les souffrances
et sympathiser avec lui. Or c’est quand
on commence à sympathiser avec lui qu’il manifeste aussi son amour et alors on
est heureux de s’associer à ses souffrances par la contemplation de sa
passion. Quand on a passé par une
opération chirurgicale difficile et dangereuse on est bien plus intéressé à la
même opération dans un autre; on sympathise tout de suite avec lui. On se comprend mieux. Il en sera de même quand on aura souffert
avec Jésus et pour lui, on comprendra bien mieux sa passion et on entrera plus
facilement dans les secrets de son amour pour nous, parce qu’il nous voit
intéressés à ses souffrances.
La
flagellation. Le tourment de la
flagellation.
Ce
supplice eut lieu dans la cour du prétoire pavé de grandes pierres de deux
pieds par trois que l’on voit encore autour et sous le couvent des Soeurs de
Lion. En 1938, en mars j’avais l’honneur
et le bonheur de dire la messe à cet endroit, d’offrir le sang de Jésus où le
sien a coulé réellement.
Ce supplice était tout ce qu’il y a de plus infamant, en
même temps que de plus douloureux. Dans
les pénitenciers où l’on donne parfois le fouet, on en donne seulement dix
coups à la fois, parce que peu d’hommes sont capables d’en endurer plus sans
perdre connaissance. Pourtant ils sont
donnés par des hommes qui n’ont pas de haine contre la victime et même beaucoup
de pitié. D’après le suaire de Turin dont
l’authenticité est admise par Pie XI et la plupart des critiques, les plaies,
après avoir été agrandies, semblent faites par des espèces de petites haltères
grosses comme des gros pois et l’on en compte quatre-vingt à part des
autres. Jusqu’à 1930 à peu près on ne
connaissait que le négatif du portrait laissé par Jésus sur la toile. Mais en le photographiant on a eu un positif
qui se trouve un vrai portrait de Jésus tel qu’il paraissait sur le suaire. C’est un vrai miracle de la Providence qui a
voulu nous laisser une bonne ressemblance de Jésus après sa mort. Il n’y a pas un artiste au monde qui aurait
pu faire cela.
En
tout cas avec ce que le prophète dit qu’on pouvait lui compter tous les os, le
suaire peut nous aider beaucoup à faire une bonne méditation de la
flagellation, qui a été très cruelle.
Pilate voulait apitoyer ces tigres, on peut imaginer comme il a été
labouré par les coups de lanières avec ces billes au bout.
D’abord
on commence par lui enlever tous ses habits de sorte qu’il était nu devant
toute cette foule avide d’un pareil spectacle.
Puis on lui attacha les deux mains à une colonne. Etait-elle plus basse que lui pour qu’il ait
le dos courbé et que les coups frappent mieux, ou était-elle haute pour qu’il
ait les bras attachés au-dessus de la tête.
Les coups qui paraissent sur la poitrine du portrait sur le suaire de
Turin semblent favoriser la dernière posture.
Peu importe pour ce détail. Que
chacun prenne ce qui lui semble le plus vrai.
Deux soldats se placent de chaque côté et le frappent de toutes leurs
forces encouragés par les juifs.
C’étaient de vrais brutes comme on peut le voir par leur manière de
traiter Jésus aussitôt qu’il fut condamné par les prêtres.
A
chaque coup la chair se tuméfiait, il se formait des bourrelets violets et le
sang coulait… il frémit… se tord de douleur… il gémit… il pleure… il se lamente
à son Père. S’il avait eu les mains
attachées à une basse colonne, il se serait écrasé par terre et ils n’auraient
pu le battre à leur goût. Dans les
cachots de la maison de Caïphe on voit que les mains des esclaves et des
prisonniers étaient attachées en haut pour qu’ils aient tout le corps bien
exposé aux coups. Pendu à cette colonne,
il ne peut se défendre d’aucun coup. Il
a des blessures de la tête aux pieds.
On
ne sait pas combien de temps elle a duré, mais c’était assez pour le faire
mourir si le divin ne l’avait pas soutenu.
Ils se sont arrêtés quand ils virent qu’il était pour expirer afin de le
réserver pour le supplice de la croix, encore plus humiliant. Voilà donc pour la partie sensible et
matérielle pour ainsi dire. Du sensible
allons maintenant à l’invisible ou aux souffrances de Jésus. Au point de vue physique qui peut se faire
une idée de ces tortures? Ceux qui se
sont déjà donné la discipline peuvent s’en faire une idée en proportion qu’ils
ont eu bon bras pour se frapper eux-mêmes.
Les saints ont en général employé ce moyen de se mortifier pour imiter
Jésus qui a voulu librement subir ce châtiment du fouet. Tous les chrétiens devraient user de ce moyen
facile d’expier une partie de leurs péchés et de s’attirer des grâces de
Dieu. En voyant Jésus se tordre de
douleur, essayons de pénétrer dans son âme pour sympathiser avec lui. Demandons-lui le pardon de nos péchés,
surtout de la chair, en pensées, en désirs et en actes. Promettons-lui de ne plus jamais l’offenser
et de l’aimer assez pour compenser nos offenses. Si le coeur n’est pas ému avec Jésus qu’on fasse
des actes d’humilité d’avoir si peu de foi et encore moins d’amour pour lui. Comme des parents regardent agoniser leur
fils qu’ils aiment, regardons Jésus agoniser sous les coups de lanières qui
déchirent son corps et le torturent épouvantablement.
Cette
flagellation n’est qu’un échantillon de ce que nous aurons pour nos péchés
sinon en ce monde au moins dans l’autre.
Le purgatoire est du feu et tous les péchés non expiés ici-bas le seront
là avant d’entrer au ciel. Qu’on imagine
la fureur des démons en enfer contre les membres de Jésus quand Dieu leur
abandonnera les pécheurs pour être torturés non pas pendant quelques minutes ou
quelques heures comme Jésus, mais pendant toute l’éternité. Mieux vaut donc imiter Jésus fouetté en ce
monde que d’aller tout expier dans l’autre.
Qu’on prenne une bonne résolution de souffrir n’importe quelle tentation
ou privation de jouissances défendues plutôt que de pécher et de mériter un
pareil supplice; qu’on se fasse souffrir d’une manière ou d’une autre comme
tous les saints l’ont fait à la suite de Jésus.
Motifs
de Jésus. Le premier est de satisfaire à
son Père. Il faut à tout prix que la
justice divine soit satisfaite par un châtiment adéquat. Un Dieu-homme seul pouvait le faire; en tant
qu’homme il pouvait souffrir et en tant que Dieu son mérite était infini. Jésus offre donc toutes ses souffrances pour
cette fin. C’est parce que nous sommes
appelés à aller participer à la vie intime de la Trinité que Dieu est si
exigeant sur la réparation de l’offense du péché. Là il ne peut y avoir l’ombre même de péché
ou de toute dette envers la justice divine.
Que les prédicateurs de la seule miséricorde divine réfléchissent bien
sur la flagellation. Est-ce que ce n’est
pas la justice divine qui s’exerce là comme dans les autres tourments de la
passion? Est-ce que Dieu a un autre plan
de réparation pour nous? Pas du
tout. Nous sommes les membres de Jésus
et nous aurons le même traitement que lui et même d’après Jésus encore plus
sévère comme il le dit aux filles de Jérusalem: «Si on traite le bois vert de
cette manière que ne fera-t-on pas au bois sec?»
Commençons
donc tous par satisfaire la justice de Dieu et ensuite nous pourrons espérer en
la miséricorde divine. C’est absurde,
c’est de la présomption que de compter sur la miséricorde sans vouloir
satisfaire la justice divine. Les protestants
soutiennent que Jésus a assez souffert pour que nous n’ayons plus à
souffrir. Ce n’est pas le sens et ce
n’est pas vrai. Tout ce que les
souffrances de Jésus font c’est de nous obtenir que les nôtres soient acceptées
par Dieu à cause de celles de Jésus.
Tant que nous n’avons pas souffert pour nos péchés, il manque encore
quelque chose à la passion de Jésus, comme le dit St-Paul. Les prêtres ne devraient pas avoir peur de
demander aux fidèles de s’imposer des pénitences volontaires; porter la croix
est un art qui s’acquiert par la répétition des actes. Les Apôtres et les Saints s’ingéniaient pour
se faire souffrir de toutes sortes de façons afin d’expier leurs péchés et de
ressembler davantage à Jésus qui a subi sa passion librement et volontairement. Notre amour pour nous est ce qui détermine
Jésus à vouloir satisfaire son Père. Il
veut tellement nous avoir avec lui dans la vision béatifique qu’il est prêt à
endurer ce supplice et les autres que la justice divine peut exiger pour cette
fin. St-Jean dit que Jésus nous a aimés
jusqu’à la limite du possible et c’est dans sa passion qu’il nous montre cet
amour sans limite. Cette constatation ne
suffit pas pour nous enflammer d’amour de Dieu, mais elle nous montre au moins
notre divin idéal. Car nous devons
l’aimer comme il nous a aimés; il est bon de considérer un peu jusqu’où il est
allé dans son amour pour nous. Comme
St-Jean dit: il nous faut aller jusqu’à donner notre vie pour Jésus comme il a
donné la sienne pour nous. Donc il nous
faut souffrir comme lui. Personne ne
peut aimer Jésus sans le montrer par sa pénitence pour ses péchés: tout le
reste ne peut être que des mots et des illusions. Nos protestations d’amour ne vont pas loin si
elles ne sont pas appuyées sur la mortification réelle et concrète. La genèse de l’amour n’est pas comme celle
des idées, surtout l’amour de Dieu.
N’oublions pas que c’est en proportion qu’on se débarrasse de nos deux
amours naturels pour les créatures et pour nous-mêmes que l’amour de Dieu
viendra prendre la place laissée par ces deux amours. Par conséquent c’est parfaitement inutile
d’essayer ou de croire aimer Dieu sans la mortification et sans le renoncement
à soi-même. L’amour de Dieu est aussi
impossible sans cela que la récolte sans semailles. Or Jésus dans sa passion nous donne des
échantillons de tous les genres de souffrances qu’il veut pour nous d’une façon
ou d’une autre. Voilà pourquoi il est
important de considérer attentivement les différentes souffrances de
Jésus. On comprend maintenant qu’un
prêtre ne peut pas facilement donner des considérations qui vont enflammer les
autres pour l’amour de Dieu. L’amour ne
se transmet pas comme les idées. Tout de
même il est bon de faire ces considérations afin de disposer le coeur au moins
à faire des sacrifices pour l’amour de Jésus et après cela l’amour divin
viendra dans nos coeurs dans la même proportion qu’on se renonce. Le prédicateur, comme certains livres, ont
beau faire des actes d’amour de Dieu où s’exclamer sur notre insouciance, notre
ingratitude, ou se répandre dans des exclamations d’amour, tout cela nous
laisse froid. Ce n’est pas la façon de
susciter l’amour de Dieu. Jamais on ne
l’aura réellement si on n’attaque pas les deux amours naturels. Eh bien notre modèle est bien Jésus qui les a
tués parfaitement en lui-même et qui veut que nous fassions de même en
nous. Après la mortification et le
renoncement qui enlèvent les obstacles positifs à l’amour de Dieu, il faut
encore désirer ardemment le surnaturel; le divin veut être désiré et aimé avant
de se donner. Donc il faut prier
longtemps et le vouloir de tout son coeur et le montrer par la persévérance
dans la prière et dans ces désirs intenses de l’amour de Dieu. C’est alors que le St-Esprit viendra produire
en nous une augmentation d’amour.
Qu’on
sache donc une bonne fois que l’amour de Dieu s’achète aux dépens des créatures
captivantes ou se récolte par celles que l’on sème. Tout autre façon est miraculeuse et
exceptionnelle; on ne peut pas compter sur des miracles pour arriver au
ciel. Défions-nous des belles prières
que l’on fait et des protestations d’amour que l’on lit dans les livres; tout
cela est bon mais ne suffit pas. Si ces
bons sentiments ne nous poussent pas au sacrifice de nos deux amours naturels,
ils sont vains. «Ce ne sont pas ceux qui
disent: Seigneur Seigneur! qui entreront
dans le royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père céleste.»
Or cette volonté est que nous devons expier nos péchés par la pénitence
concrète… pas seulement intérieure, ni seulement extérieure, mais par les deux
ensemble. Les sentiments de Jésus sont
encore plus importants pour nous que ses souffrances physiques et nous devons
essayer de monter jusque là avec ce que l’Ecriture nous dit des sentiments du
Juste qui souffre. On sait que les
gémissements des prophètes et du psalmiste sont l’expression de l’humanité en
général et donc celle de Jésus et par suite devraient être les nôtres dans nos
tribulations. On les trouve exprimés un
peu partout dans ces écrits inspirés.
Ps. 31: «Aie pitié de moi, Yahweh, car je suis
dans la détresse; mon oeil est usé par le chagrin ainsi que mon âme et mes
entrailles. Ma vie se consume dans la
douleur et mes années dans les gémissements.
Ma force est épuisée à cause de mon iniquité et mes os dépérissent. Tous mes adversaires m’ont rendu un objet
d’opprobre, un fardeau pour mes voisins, un objet d’effroi pour mes amis. Ceux qui me voient dehors s’enfuient loin de
moi. Je suis en oubli; comme un mort,
loin des coeurs. Je suis comme un vase
brisé, car j’ai appris les mauvais propos de la foule, l’épouvante qui règne à
l’entour, pendant qu’ils tiennent conseil contre moi, ils ourdissent des
complots pour m’ôter la vie. fit moi je
me confie en toi Yahweh…etc.» Voilà quelques plaintes de l’humanité souffrante
résumée en Jésus; tous les élus doivent y passer! Mais après ces gémissements, il faut se
réfugier dans la confiance en Dieu comme le Juste le fait ici. Ps.
37. Vulg. Ce psaume est plein de ces gémissements. «Yahweh ne me punis pas dans ta colère… il
n’y a rien de sain dans ma chair à cause de ta colère, mes meurtrissures sont
infectes et purulentes… Je suis courbé, abattu à l’excès, tout le jour je
marche dans le deuil. Un mal brûlant
dévore mes reins et il n’y a rien de sain dans ma chair. Je suis sans force, brisé outre mesure, le
trouble de mon coeur m’arrache des gémissements; Seigneur, tous mes désirs sont
devant toi et mes soupirs ne te sont pas cachés.
Mon
coeur palpite, ma force m’abandonne et la lumière de mes yeux n’est plus avec
moi… c’est en toi, Yahweh que j’espère.»
Ps. 128 Vulg.
«Ils ont labouré mon dos, ils y ont tracé de longs sillons. Mais Yahweh est juste, il a coupé les liens
des méchants.» Les sentiments des lamentations de Jérémie peuvent s’appliquer à
Jésus, par exemple, 3: «Je suis l’homme qui a vu l’affliction sous la verge de
sa fureur; il m’a conduit et m’a fait marcher dans les ténèbres et non dans la
lumière, contre moi seul il tourne et retourne sa main tout le jour. Il a usé ma chair et ma peau, il a brisé mes
os. Il a bâti contre moi, il m’a
environné d’amertume et d’ennui. Il m’a
fait habiter dans les ténèbres comme ceux qui sont morts depuis longtemps.»
Plusieurs passages de Job reflètent les sentiments de l’humanité souffrante et
donc celle de Jésus.
Dans
nos peines et dans nos misères nous devrions aller chercher dans les psaumes et
les prophètes leurs sentiments et leurs expressions pour répandre devant Dieu
notre douleur. Ces paroles et ces
sentiments sont inspirés par le St-Esprit et par conséquent sont plus agréables
à Dieu. Plusieurs vont dire qu’ils n’ont
pas ces angoisses de l’âme dont on parle ici.
Peutêtre. Mais pourquoi? c’est qu’ils commettent n’importe quel péché
plutôt que de souffrir la moindre privation.
Mais ceux qui ne veulent pas à aucun prix offenser Dieu, c’est
extrêmement difficile et angoissant de rester ferme. On dirait que Dieu en profite quand il sait
que nous allons endurer plutôt que de l’offenser. Une tentation suit une autre et toujours plus
forte, une épreuve suit l’autre, et l’autre.
On est porté à lui dire: Allez-vous débarquer de sur mon dos? Que vous ai-je fait pour que vous soyez
toujours contre moi? Et toutes les
plaintes des prophètes et des psaumes y passent tant cela est pénible à la
longue.
Soumission à son Père.
A travers toutes ses plaintes et ses gémissements une chose reste
inébranlable dans son âme, c’est sa parfaite soumission à son Père: le «que
votre volonté soit faite et non la mienne» de son agonie est le refrain
continuel de sa volonté humaine. Il sait
que le Père est offensé par toutes les désobéissances depuis celle d’Adam et
Eve et il va les expier par son obéissance absolument parfaite. Imitons-le dans nos épreuves à travers nos
gémissements et nos douleurs intérieures, répétons ce refrain de Jésus: «Que
votre volonté soit faite et non la mienne.» Là est le mérite. Mais comme c’est pénible d’aller contre
toutes les tendances de la nature! Comme
il faut de la foi pour que ces directives l’emportent sur les répugnances si
fortes de la nature. Mais la grâce de
Dieu est capable de le faire si nous la demandons à Dieu habituellement dans de
ferventes prières. Le secret est de
s’exercer dans les petites croix de chaque jour, autrement on ne pourra pas
résister dans les grandes tentations de la vie.
Or ce sont ces grands examens de la vie spirituelle qui décident de
notre salut éternel. Préparons-nous par
des exercices quotidiens que Dieu nous présente dans la vie ordinaire de tout
chrétien.
Confiance
en Dieu.
Les
psaumes et les prophètes sont pleins de ces expressions de confiance en
Dieu. Jésus plaide avec son Père; il lui
rappelle tout ce qu’il a fait pour les patriarches et pour sa nation en général
afin de le toucher davantage. C’est un
moyen que nous devrions tous employer dans nos prières. Quand on rappelle à Dieu ce qu’il a fait pour
d’autres on lui donne une gloire très sensible.
Dieu se dit: S’il remarque ce que j’ai fait pour d’autres, il me donnera
bien de la gloire pour ce que je ferai pour lui. Et il est plus porté à nous exaucer. Judith, Daniel, Moïse et David s’en servent
très souvent comme on peut le voir en lisant leurs écrits. J’insiste sur cette idée car elle n’est pas
du tout dans nos moeurs. Nous ne voyons
que notre petite personnalité et nous oublions ce que Dieu a fait aux
autres. Dieu veut que nous le glorifions
pour tout ce qu’il fait dans le monde: il n’aime pas l’égoïsme étroit qui ne
pense qu’à soi.
Il n’est pas probable que nous soyons fouettés comme
Jésus l’a été. Mais la divine Providence
nous les donne séparément dans toutes ces petites croix qui se présentent tous
les jours; essayons de les prendre comme les disciples d’un Sauveur flagellé si
cruellement et chaque fois mettons notre confiance en lui pour qu’il nous
pardonne nos péchés. Ne les offrons pas
d’une façon vague, mais d’abord pour nous-mêmes, puis pour tous les pécheurs du
monde exactement comme Jésus a fait. Au
lieu de s’impatienter contre les choses et les personnes à l’avenir qu’on fasse
des actes de conformité à la volonté divine et de confiance en Dieu qu’il nous
pardonnera nos péchés puisqu’il nous fait participer à la flagellation de Jésus
d’une certaine façon. C’est quand nous
commençons à endurer pour l’amour de Dieu les coups de la Providence que nous
pouvons dire que nous commençons à aimer Dieu véritablement et que nous suivons
Jésus-Christ de fait. Au lieu de trouver
à redire contre les croix, acceptons-les comme Jésus.
Dans
ces méditations sur la passion, ne manquons pas de prier beaucoup la Sainte Vierge
qui a le mieux compris l’intérieur de Jésus et qui a le mieux sympathisé avec
lui et qui a le plus souffert intérieurement.
Le St-Esprit l’exige pour nous donner une augmentation de la vie de
Jésus en nous. Ayons une grande dévotion
à ses sept douleurs où elle montre son immense amour pour Dieu en se soumettant
parfaitement à ces croix bien pénibles pour elle.
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