samedi 11 janvier 2014

Clément XI - Unigenitus

Clément, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à tous les fidèles chrétiens, salut et bénédiction apostolique.

Lorsque le Fils unique de Dieu',qui s'est fait fils de l'homme pour notre salut et pour celui de tout le monde, enseignoit à ses disciples la doctrine de vérité, et lorsqu'il instruisoit l'Église universelle dans la personne de ses apôtres, il donna des préceptes pour former cette Église naissante; et prévoyant ce qui devoit l'agiter dans les siècles futurs, il sut pourvoir à ses besoins par un excellent et salutaire avertissement : c'est de nous tenir en garde contre les faux prophètes, qui viennent à nous revêtus de la peau des brebis, et il désigne principalement sous ce nom ces maîtres de mensonge, ces séducteurs pleins d'artifices, qui ne font éclater dans leurs discours les apparences de la plus solide piété que pour insinuer imperceptiblement leurs dogmes dangereux et pour introduire, sous les dehors de la sainteté, des sectes qui conduisent les hommes à leur perte; séduisant avec d'autant plus de facilité ceux qui ne se défient pas de leurs pernicieuses entreprises, que, comme des loups qui dépouilleroient leur peau pour se couvrir de la peau des brebis, ils s'enveloppent, pour ainsi parler, des maximes de la loi divine, des préceptes des saintes Écritures, dont ils interprètent malicieusement les expressions, et de celles mêmes du Nouveau Testament, qu'ils ont l'adresse de corrompre en diverses manières pour perdre les autres et pour se perdre eux-mêmes: vrais fils de l'ancien père de mensonge, ils ont appris par son exemple, et par ses enseignements, qu'il n'est point de voie plus sûre ni plus prompte pour tromper les âmes et pour leur insinuer le venin des erreurs les plus criminelles, que de couvrir ces erreurs de l'autorité de la parole de Dieu.

Pénétré de ces divines instructions, aussitôt que nous eûmes appris, dans la profonde amertume de notre cœur, qu'un certain livre, imprimé autrefois en langue françoise et divisé en plusieurs tomes, sous ce titre : le Nouveau Testament en françois, avec des réflexions morales, etc.; que ce livre, quoique nous l'eussions déjà condamné, parce qu'en effet les vérités catholiques y sont confondues avec plusieurs dogmes faux et dangereux, passoit encore dans l'opinion de beaucoup de personnes pour un livre exempt de toute sorte d'erreurs; qu'on le mettoit partout entre les mains des fidèles, et qu'il se répandoit de tous côtés par les soins affectés de certains esprits remuants qui font de continuelles tentatives en faveur des nouveautés; qu'on l'avoit même traduit en latin, afin que la contagion de ses maximes pernicieuses passât, s'il étoit possible, de nation en nation et de royaume en royaume; nous fûmes saisis d'une très-vive douleur de voir le troupeau du Seigneur, qui est commis à nos soins, entraîné dans la voie de perdition par des insinuations si séduisantes et si trompeuses. Ainsi donc, également excité par notre sollicitude pastorale, par les plaintes réitérées des personnes qui ont un vrai zèle pour la foi orthodoxe, surtout par les lettres et par les prières d'un grand nombre de nos vénérables frères les évêques de France, nous avons pris la résolution d'arrêter par quelque remède plus efficace le cours d'un mal qui croissoit toujours, et qui pourrait avec le temps produire les plus funestes effets.

Après avoir donné toute notre application à découvrir la cause d'un mal si pressant, et après avoir fait sur ce sujet de mûres et de sérieuses réflexions, nous avons enfin reconnu très distinctement que le progrès dangereux qu'il a fait, et qui s'augmente tous les jours, vient principalement de ce que le venin de ce livre est très-caché, semblable à un abcès, dont la pourriture ne peut sortir qu'après qu'on y a fait des incisions. En effet, à la première ouverture du livre, le lecteur se sent agréablement attiré par de certaines apparences de piété. Le style de cet ouvrage est plus doux et plus coulant que l'huile, mais ses expressions sont comme des traits prêts à partir d'un arc, qui n'est tendu que pour blesser imperceptiblement ceux qui ont le cœur droit. Tant de motifs nous ont donné lieu de croire que nous ne pouvons rien faire de plus à propos ni de plus salutaire, après avoir jusqu'à présent marqué en général la doctrine artificieuse de ce livre, que d'en découvrir les erreurs en détail et que de les mettre plus clairement et plus distinctement devant les yeux de tous les fidèles, par un extrait de plusieurs propositions contenues dans l'ouvrage, où nous leur ferons voir l'ivraie dangereuse séparée du bon grain, qui la couvre. Par ce moyen, nous dévoilerons et nous mettrons au grand jour non-seulement quelques-unes de ces erreurs, mais nous en exposerons un grand nombre des plus pernicieuses, soit qu'elles aient été déjà condamnées, soit qu'elles aient été inventées depuis peu. Nous espérons que le ciel bénira nos soins, et que nous ferons si bien connaître et si bien sentir la vérité, que tout le monde sera forcé de suivre ses lumières.

Ce ne sont pas seulement les évêques ci-dessus mentionnés qui nous ont témoigné que par ce moyen nous ferions une chose très-utile et très-nécessaire pour l'intérêt de la foi catholique et pour le repos des consciences, et que nous mettrions fin aux diverses contestations qui se sont élevées, principalement en France, et qui doivent leur origine à de certains esprits qui veulent se distinguer par une doctrine nouvelle, et qui tâchent de faire naître dans ce royaume florissant des divisions encore plus dangereuses, mais même notre très-cher fils en Jésus-Christ, Louis, roi de France très-chrétien, dont nous ne pouvons assez louer le zèle pour la défense et pour la conservation de la pureté de la foi catholique et pour l'extirpation des hérésies; ce prince, par ses instances réitérées et dignes d'un roi très-chrétien, nous a fortement sollicité de remédier incessamment au besoin pressant des âmes par l'autorité d'un jugement apostolique.

Touché de ces raisons, animé par le Seigneur, et mettant notre confiance en son divin secours, nous avons cru devoir faire une si sainte entreprise, et nous nous y sommes attaché avec tout le soin et toute l'application que l'importance de l'affaire pouvoit exiger. D'abord nous avons fait examiner par plusieurs docteurs en théologie, en présence de deux de nos vénérables frères cardinaux de la sainte Église romaine, un grand nombre de propositions extraites avec fidélité, et respectivement, des différentes éditions dudit livre, tant françoises que latines, dont nous avons parlé ci-dessus. Nous avons ensuite été présent à cet examen; nous y avons appelé plusieurs autres cardinaux pour avoir leur avis, et après avoir confronté pendant tout le temps, et avec toute l'attention nécessaire, chacune des propositions avec le texte du livre, nous avons ordonné qu'elles fussent examinées et exécutées très-soigneusement dans plusieurs congrégations qui se sont tenues à cet effet. Les propositions dont il s'agit sont celles qui suivent:

I
Que reste-t-il à une âme qui a perdu Dieu et sa grâce sinon le péché et ses suites, une orgueilleuse pauvreté et une indigence paresseuse, c'est-à-dire une impuissance générale au travail, à la prière et à tout bien ?

II
La grâce de Jésus-Christ, principe efficace de toute sorte de bien, est nécessaire pour toute bonne action, grande ou petite, facile ou difficile, pour la commencer, la continuer ou l'achever sans elle, non seulement on ne fait rien, mais on ne peut rien faire.

III
En vain vous commandez, Seigneur, si vous ne donnez vous-même ce que vous commandez.

IV
Oui, Seigneur, tout est possible à celui à qui vous rendez tout possible en le faisant en lui.

V
Quand Dieu n'amollit pas le cœur par l'onction intérieure de sa grâce, les exhortations et les grâces extérieures ne servent qu'à l'endurcir davantage.

VI
Quelle différence, ô mon Dieu, entre l'alliance Judaïque et l'alliance chrétienne ! L'une et l'autre a pour condition le renoncement au péché et l'accomplissement de votre loi, mais là vous l'exigez du pécheur en le laissant dans son impuissance ; ici vous lui donnez ce que vous lui commandez en le purifiant par votre grâce.
 
VII
Quel avantage y a-t-il pour l'homme dans une alliance où Dieu le laisse à sa propre faiblesse en lui imposant sa loi ? Mais quel bonheur n'y a-t-il point d'entrer dans une alliance où Dieu nous donne ce qu'il demande de nous.

VIII
Nous n'appartenons à la nouvelle alliance qu'autant que nous avons part à cette nouvelle grâce qui opère en nous ce que Dieu nous commande.

IX
Ce n'est que par la grâce de Jésus-Christ que nous sommes à Dieu, grâce souveraine sans laquelle on ne peut jamais confesser Jésus-Christ, et avec laquelle on ne le renie jamais.

X
La compassion de Dieu sur nos péchés, c'est son amour pour le pécheur, cet amour, la source de la grâce ; cette grâce, une opération de la main toute-puissante de Dieu que rien ne peut empêcher, ni retarder.

XI
La grâce peut tout réparer en un moment, parce que ce n'est pas autre chose que la volonté toute-puissante de Dieu qui commande et qui fait tout ce qu'il commande.

XII
Quand Dieu veut sauver l'âme, en tout temps, en tout lieu, l'indubitable effet suit le vouloir d'un Dieu.


XIII
Quand Dieu veut sauver une âme et qu'il la touche de la main intérieure de sa grâce, nulle volonté humaine ne lui résiste.

XIV
Quelque éloigné que soit du salut un pécheur obstiné, quand Jésus se fait voir à lui par la lumière salutaire de sa grâce, il faut qu'il se rende, qu'il accoure, qu'il s'humilie et qu'il adore son Sauveur.

XV
Quand Dieu accompagne son commandement et sa parole extérieure de l'onction de son esprit et de la force intérieure de sa grâce, elle opère dans le cœur l'obéissance qu'elle demande.

XVI
Il n'y a point de charmes qui ne cèdent à ceux de la grâce parce que rien ne résiste au Tout-Puissant.


XVII
La grâce est donc cette voix du Père qui enseigne intérieurement les hommes et les fait venir à Jésus-Christ. Quiconque ne vient pas à lui, après avoir entendu la voix extérieure du Fils, n'est point enseigné par le Père.


XVIII
La semence de la parole que la main de Dieu arrose porte toujours son fruit.


XIX
La grâce de Dieu n'est autre chose que sa volonté toute puissante. C'est l'idée que Dieu nous en donne lui-même dans toutes ses Écritures.

XX
La vraie idée de la grâce est que Dieu veut que nous lui obéissions et il est obéi ; il commande et tout se fait ; il parle en Maître et tout est soumis.

XXI
La grâce de Jésus-Christ est une grâce... divine, comme créée pour être digne du Fils de Dieu, forte, puissante, souveraine, invincible, comme étant l'opération de la volonté toute-puissante, une suite et une imitation de l'opération de Dieu, incarnant et ressuscitant son Fils.

XXII
L'accord de l'opération toute-puissante de Dieu dans le cœur de l'homme avec le libre consentement de sa volonté nous est montré d'abord dans l'Incarnation, comme dans la source et le modèle de toutes les autres opérations de miséricorde et de grâce, toutes aussi gratuites et aussi dépendantes de Dieu que cette opération originale.

XXIII
Dieu, dans la foi d'Abraham à laquelle les promesses étoient attachées, nous a donné lui-même l'idée qu'il veut que nous ayons de l'opération toute-puissante de sa grâce dans nos cœurs, en la figurant par celle qui tire les créatures du néant et qui redonne la vie aux morts.

XXIV
L'idée juste qu'a le Centenier de la toute-puissance de Dieu et de Jésus-Christ sur les corps pour les guérir par le seul mouvement de sa volonté est l'image de celle qu'on doit avoir de la toute-puissance de sa grâce pour guérir les âmes de la cupidité.

XXV
Dieu éclaire l'âme et la guérit, aussi bien par le corps que par sa seule volonté ; il commande et il est obéi.

XXVI
Point de grâces que par la Foi.

XXVII
La Foi est la première grâce et la source de toutes les autres.

XXVIII
La première grâce que Dieu accorde au pécheur, c'est le pardon de ses péchés.

XXIX
Hors d'elle (l'Église) point de grâce.

XXX
Tous ceux que Dieu veut sauver par Jésus-Christ le sont infailliblement.

XXXI
Les souhaits de Jésus ont toujours leur effet ; il porte la paix jusqu'au fond du cœur quand il la leur désire.

XXXII
Assujettissement volontaire, médicinal et divin de Jésus-Christ... de se livrer à la mort afin de délivrer pour jamais par son sang les ainés, c'est-à-dire les élus, de la main de l'ange exterminateur.

XXXIII
Combien faut-il avoir renoncé aux choses de la terre et à soi-même pour avoir la confiance de s'approprier, pour ainsi dire, Jésus-Christ, son amour, sa mort et ses mystères, comme fait saint Paul en disant : Il m'a aimé et s'est livré pour moi.

XXXIV
La grâce d'Adam... ne produisait que des mérites humains.

XXXV
La grâce d'Adam est une suite de la création et était due à la nature saine et entière.

XXXVI
C'est une différence essentielle de la grâce d'Adam et de l'état d'innocence d'avec la grâce chrétienne que chacun auroit reçu la première en sa propre personne au lieu qu'on ne reçoit celle-ci qu'en la personne de Jésus-Christ ressuscité à qui nous sommes unis.

XXXVII
La grâce d'Adam le sanctifiant en lui-même lui étoit proportionnée ; la grâce chrétienne, nous sanctifiant en Jésus-Christ, est toute-puissante et digne du Fils de Dieu.

XXXVIII
Le pécheur n'est libre que pour le mal sans la grâce du Libérateur.

XXXIX
La volonté qu'elle (la grâce) ne prévient point n'a de lumière que pour s'égarer, d'ardeur que pour se précipiter, de force que pour se blesser ; capable de tout mal, impuissante à tout bien.

XL
Sans laquelle (cette grâce de Jésus-Christ) nous ne pouvons rien aimer qu'à notre condamnation.

XLI
Toute connaissance de Dieu, même naturelle, même dans les philosophes païens, ne peut venir que de Dieu ; sans la grâce elle ne produit qu'orgueil, que vanité, qu'opposition à Dieu même, au lieu des sentiments d'adoration, de reconnoissance et d'amour.

XLII
Il n'y a que la grâce de Jésus-Christ qui rende l'homme propre au sacrifice de la Foi ; sans cela rien qu'impureté rien qu'indignité.

XLIII
Le premier effet de la grâce du baptême est de nous faire mourir au péché ; en sorte que l'esprit, le cœur, les sens n'aient non plus de vie pour le péché que ceux d'un mort pour les choses du monde.

XLIV
Il n'y a que deux amours d'où naissent toutes nos volontés et toutes nos actions ; l'amour de Dieu qui fait tout pour Dieu et que Dieu récompense ; l'amour de nous-mêmes et du monde qui ne rapporte pas à Dieu ce qui doit lui être rapporté et qui par cette raison même devient mauvais.

XLV
Quand l'amour de Dieu ne règne plus dans le cœur du pécheur, il est nécessaire que la cupidité charnelle y règne et corrompe toutes ses actions.

XLVI
La cupidité ou la charité rendent l'usage des sens bon ou mauvais.

XLVII
L'obéissance à la loi doit couler de source, et cette source c'est la charité. Quand l'amour de Dieu en est le principe intérieur et sa gloire la fin, le dehors est net ; sans cela ce n'est qu'hypocrisie ou fausse justice.

XLVIII
Que peut-on être autre chose que ténèbres, qu'égarement et que péché sans la lumière de la Foi, sans Jésus-Christ, sans la charité ?

XLIX
Nul péché sans l'amour de nous-mêmes comme nulle bonne œuvre sans Dieu.

L
C'est en vain qu'on crie à Dieu : mon Père ! si ce n'est point l'esprit de charité qui crie.

LI
La foi justifie quand elle opère, mais elle n'opère que par la charité. 

LII
Tous les autres moyens de salut sont renfermés dans la foi comme dans leur germe et leur semence ; mais ce n'est pas une foi sans amour et sans confiance.

LIII
La seule charité les fait (les actions chrétiennes) si chrétiennement par rapport à Dieu et à Jésus-Christ.

LIV
C'est elle seule (la charité) qui parle à Dieu ; c'est elle seule que Dieu entend.

LV
Dieu ne couronne que la charité ; qui court par un autre mouvement et par un autre motif court en vain.

LVI
Dieu ne récompense que la charité parce que la charité seule honore Dieu.

LVII
Tout manque à un pécheur quand l'espérance lui manque, et il n'y a point d'espérance en Dieu où il n'y a point d'amour de Dieu.

LVIII
Il n'y a ni Dieu, ni religion où il n'y a point de charité.

LIX
La prière des impies est un nouveau péché, et ce que Dieu leur accorde un nouveau jugement sur eux.

LX
Si la seule crainte du supplice amène le repentir, plus ce repentir est violent, plus il conduit au désespoir.

LXI
La crainte n'arrête que la main, et le cœur est livré au péché tant que l'amour de la justice ne le conduit pas.

LXII
Qui ne s'abstient du mal que par la crainte du châtiment le commet dans son cœur et est déjà coupable devant Dieu.

LXIII
Un baptisé est encore sous la loi comme un juif s'il n'accomplit pas la loi ou s'il l'accomplit par la seule crainte.

LXIV
Sous la malédiction de la loi on ne fait jamais le bien parce qu'on pèche ou en faisant le mal ou en ne l'évitant pas. 

LXV
Moïse et les prophètes, les prêtres et les docteurs de la loi sont morts sans donner d'enfants à Dieu, n'ayant fait que des esclaves par la crainte.

LXVI
Qui veut s'approcher de Dieu ne doit ni venir à lui avec des passions brutales, ni se conduire par un instinct naturel ou par la crainte, comme les bêtes, mais par la foi ou par l'amour comme les enfants.

LXVII
La crainte servile ne se le représente (Dieu) que comme un maître dur, impérieux, injuste, intraitable.

LXVIII
Quelle bonté de Dieu d'avoir ainsi abrégé la voie du salut en renfermant tout dans la foi et dans la prière !

LXIX
La foi, l'usage, l'accroissement et la récompense de la foi, tout est un don de votre pure libéralité.

LXX
Dieu n'afflige jamais des innocents, et les afflictions servent toujours ou à punir le péché, ou à purifier le pécheur.

LXXI
L'homme peut se dispenser, pour sa conservation, d'une loi que Dieu a faite pour son utilité.

LXXII
Marques et propriétés]de l'Église chrétienne. Elle est... catholique, comprenant et tous les anges du ciel, et tous les élus et les justes de la terre et de tous les siècles.

LXXIII
Qu'est-ce que l'Église, sinon l'assemblage des enfants de Dieu demeurant dans son sein, adoptez en Jésus-Christ, subsistants en sa personne, rachetez de son sang, vivants de son esprit, agissants par sa grâce et attendant la paix du siècle à venir.

LXXIV
L'Église ou le Christ entier qui a pour chef le Verbe incarné et pour membres tous les saints.

LXXV
Unité admirable de l'Église. C'est... un seul homme composé de plusieurs membres dont Jésus-Christ est la tête, la vie, la subsistance et la personne... Un seul Christ composé de plusieurs saints dont il est le sanctificateur.

LXXVI
Rien de si spacieux que l'Église de Dieu puisque tous les élus et les justes de tous les siècles la composent.

LXXVII
Qui ne mène pas une vie digne d'un enfant de Dieu, ou d'un membre de Jésus-Christ cesse d'avoir intérieurement Dieu pour père et Jésus-Christ pour chef.

LXXVIII
Le peuple juif était la figure du peuple élu dont Jésus-Christ est le chef. L'excommunication la plus terrible est de n'être point de ce peuple et de n'avoir point de part à Jésus-Christ. On s'en retranche aussi bien en ne vivant pas selon l'Évangile qu'en ne croyant pas à l'Évangile.

LXXIX
Il est utile et nécessaire en tout tems, en tout lieu et à toutes sortes de personnes d'en étudier (de l'Écriture) et d'en connaître l'esprit, la piété et les mystères.

LXXX
La lecture de l'Écriture sainte, entre les mains même d'un homme d'affaires et de finances marque qu'elle est pour tout le monde.

LXXXI
L'obscurité sainte de la parole de Dieu n'est pas aux laïques une raison pour se dispenser de la lire.

LXXXII
Le Dimanche, qui a succédé au sabbat, doit être sanctifié par des lectures de piété et surtout des saintes Écritures. C'est le lait du chrétien et que Dieu même qui connaît son œuvre lui a donné. Il est dangereux de l'en vouloir sevrer.

LXXXIII
C'est une illusion de s'imaginer que la connaissance des mystères de la Religion ne doive pas être communiquée à ce sexe par la lecture des Livres saints, après cet exemple de la confiance avec laquelle Jésus-Christ se manifeste à cette femme. Ce n'est pas de la simplicité des femmes, mais de la science orgueilleuse des hommes qu'est venu l'abus des Écritures et que sont nées les hérésies.

LXXXIV
C'est la fermer aux Chrétiens (la bouche de Jésus-Christ) que de leur arracher des mains ce Livre saint, ou de le leur tenir fermé, en leur ôtant le moyen de l'entendre.

LXXXV
En interdire la lecture (de l'Écriture et particulièrement de l'Évangile) aux Chrétiens, c'est interdire l'usage de la lumière aux enfants de la lumière et leur faire souffrir une espèce d'excommunication.

LXXXVI
Lui ravir, au simple peuple, cette consolation d'unir sa voix à celle de toute l'Église, c'est un usage contraire à la pratique apostolique et au dessein de Dieu.

LXXXVII
C'est une conduite pleine de sagesse, de lumière et de charité de donner aux âmes le temps de porter avec humilité et de sentir l'état du péché ; de demander l'esprit de pénitence et de contrition et de commencer au moins à satisfaire à la justice de Dieu avant que de les réconcilier.

LXXXVIII
On ne sait ce que c'est que le péché et la vraie pénitence quand on veut être rétabli d'abord dans la possession des biens dont le péché nous a dépouillez et qu'on ne veut point porter la confusion de cette séparation.

LXXXIX
Le quatorzième degré de la conversion du pécheur est qu'étant réconcilié il a droit d'assister au sacrifice de l'Église.

XC
C'est l'Église qui en a l'autorité (de l'excommunication) pour l'exercer par les premiers Pasteurs, du consentement au moins présumé de tout le Corps.

XCI
La crainte même d'une excommunication injuste ne nous doit jamais empêcher de faire notre devoir... On ne sort jamais de l'Église lors même qu'il semble qu'on en soit banni par la méchanceté des hommes quand on est attaché à Dieu, à Jésus-Christ et à l'Église même par la charité.

XCII
C'est imiter saint Paul que de souffrir en paix l'excommunication et l'anathème injuste plutôt que de trahir la vérité, loin de s'élever contre l'autorité ou de rompre l'unité.

XCIII
Jésus guérit quelquefois les blessures que la précipitation des premiers Pasteurs fait sans son ordre ; il rétablit ce qu'ils retranchent par un zèle inconsidéré.

XCIV
Rien ne donne une plus mauvaise opinion de l'Église à ses ennemis que d'y voir dominer sur la foi des fidèles et y entretenir des divisions pour des choses qui ne blessent ni la foi ni les mœurs.

XCV
Les vérités sont devenues comme une langue étrangère à la plupart des Chrétiens et la manière de les prêcher est comme un langage inconnu, tant elle est éloignée de la simplicité des Apôtres et au-dessus de la portée du commun des fidèles. Et on ne fait pas réflexion que ce déchet est une des marques les plus sensibles de la vieillesse de l'Église et de la colère de Dieu sur ses enfants.

XCVI
Dieu permet que toutes les puissances soient contraires aux prédicateurs de la vérité afin que sa victoire ne puisse être attribuée qu'à sa grâce.

XCVII
Il n'arrive que trop souvent que les membres le plus saintement et le plus étroitement unis à l'Église sont regardés et traités comme indignes d'y être ou comme en étant déjà séparés. Mais le juste vit de la foi de Dieu et non pas de l'opinion des hommes.

XCVIII
Celui (l'état) d'être persécuté et de souffrir comme un hérétique, un méchant, un impie est ordinairement la dernière épreuve et la plus méritoire comme celle qui donne plus de conformité à Jésus-Christ.

XCIX
L'entêtement, la prévention, l'obstination à ne vouloir ni rien examiner, ni reconnaître qu'on s'est trompé changent tous les jours en odeur de mort, à l'égard de bien des gens, ce que Dieu a mis dans son Église pour y être une odeur de vie comme les bons livres, les instructions, les saints exemples etc.

C
Temps déplorable où on croit honorer Dieu en persécutant la vérité et ses disciples. Ce temps est venu... être regardé et traité par ceux qui en sont les ministres, de la religion, comme un impie, indigne de tout commerce avec Dieu, comme un membre pourri, capable de tout corrompre dans la société des Saints, c'est pour les personnes pieuses une mort plus terrible que celle du corps. En vain on se flatte de la pureté de ses intentions et d'un zèle de religion en poursuivant des gens de bien à feu et à sang, si on est aveuglé par sa propre passion ou emporté par celle des autres, faute de vouloir rien examiner. On croit souvent sacrifier à Dieu un impie et on sacrifie au diable un serviteur de Dieu.

CI
Rien n'est plus contraire à l'esprit de Dieu et à la doctrine de Jésus-Christ que de rendre communs les serments dans l'Église parce que c'est multiplier les occasions des parjures, dresser des pièges aux faibles et aux ignorants, et faire quelquefois servir le nom et la vérité de Dieu aux desseins des méchants.

A ces causes, après avoir reçu tant de vive voix que par écrit les suffrages des susdits cardinaux et de plusieurs autres théologiens, et après avoir ardemment imploré le secours du ciel par des prières particulières que nous avons faites, et par des prières publiques que nous avons ordonnées à cette intention, nous déclarons par la présente Constitution, qui doit avoir son effet à perpétuité, que nous condamnons et réprouvons toutes et chacune des propositions ci-dessus rapportées, comme étant respectivement fausses, captieuses, malsonnantes, capables de blesser les oreilles pieuses, scandaleuses, pernicieuses, téméraires, injurieuses à l'Église et à ses usages, outrageantes non seulement pour elle, mais pour les puissances séculières; séditieuses, impies, blasphématoires, suspectes d'hérésie, sentant l'hérésie, favorables aux hérétiques, aux hérésies et au schisme, erronées, approchantes de l'hérésie et souvent condamnées; enfin, comme hérétiques et comme renouvelant diverses hérésies, principalement celles qui sont contenues dans les fameuses propositions de Jansénius, prises dans le sens auquel elles ont été condamnées.

Nous défendons à tous les fidèles de l'un et de l'autre sexe de penser, d'enseigner ou de parler sur lesdites propositions autrement qu'il n'est porté dans cette Constitution : en sorte que quiconque enseigneroit, soutiendroit ou mettroit au jour ces propositions ou quelques-unes d'entre elles, soit conjointement, soit séparément, ou qui en traiteroit même par manière de dispute en public ou en particulier, si ce n'est peut-être pour les combattre, encoure ipso facto, et sans qu'il soit besoin d'autre déclaration, les censures ecclésiastiques et les autres peines portées de droit contre ceux ui font des emblables choses.

Au reste, par la condamnation expresse et particulière que nous faisons des susdites propositions, nous ne prétendons nullement approuver ce qui est contenu dans le reste du même livre, d'autant plus que, dans le cours de l'examen que nous en avons fait, nous y avons remarqué plusieurs autres propositions qui ont beaucoup de ressemblance et d'affinité avec celles que nous venons de condamner, et qui sont toutes remplies des mêmes erreurs; de plus, nous y en avons trouvé beaucoup d'autres qui sont propres à entretenir la désobéissance et la rébellion qu'elles veulent insinuer insensiblement sous le faux nom de patience chrétienne, par l'idée chimérique qu'elles donnent aux lecteurs, d'une persécution qui règne aujourd'hui, mais nous avons cru qu'il seroit inutile de rendre cette Constitution plus longue par un détail particulier de ces propositions; enfin, ce qui est plus intolérable dans cet ouvrage, nous y avons vu le texte sacré du Nouveau Testament altéré d'une manière qui ne peut être que trop condamnée, et conforme en beaucoup d'endroits à une traduction dite de Mons, qui a été censurée depuis longtemps. Il y est différent, et s'éloigne en diverses façons de la version vulgate, qui est en usage dans l'Église depuis tant de siècles, et qui doit être regardée comme authentique par toutes les personnes orthodoxes, et l'on a porté la mauvaise foi jusqu'au point de détourner le sens naturel du texte pour y substituer un sens étranger et souvent dangereux.

Pour toutes ces raisons, en vertu de l'autorité apostolique, nous défendons de nouveau par ces présentes, et condamnons derechef ledit livre, sous quelque titre et en quelque langue qu'il ait été imprimé, de quelque édition et en quelque version qu'il ait paru ou qu'il puisse paroître dans la suite (ce qu'à Dieu ne plaise), nous le condamnons comme étant très capable de séduire les âmes simples par des paroles pleines de douceur et par des bénédictions, ainsi que s'exprime l'apôtre, c'est-à-dire par les apparences d'une instruction remplie de piété. Condamnons pareillement tous les autres livres ou libelles, soit manuscrits, soit imprimés, ou (ce qu'à Dieu ne plaise) qui pourroient s'imprimer dans la suite pour la défense dudit livre. Nous défendons à tous les fidèles de les lire, de les copier, de les retenir et d'en faire usage, sous peine d'excommunication, qui sera encourue, ipso facto, par les contrevenants.

Nous ordonnons de plus à nos vénérables frères les patriarches, archevêques et évêques, et autres ordinaires des lieux, comme aussi aux inquisiteurs de l'hérésie, de réprimer et de contraindre par les censures, par les peines susdites et par tous les autres remèdes de droit et de fait, ceux qui ne voudroient pas obéir; même d'implorer pour cela, s'il en est besoin, le secours du bras séculier.

Voulons aussi que même foi soit ajoutée aux copies des présentes, même imprimées, pourvu qu'elles soient signées de la main d'un notaire public, et scellées du sceau de quelque personne constituée en dignité ecclésiastique, que celle que l'on auroit à l'original, s'il étoit montré et représenté.

Que personne donc ne se donne la licence d'enfreindre en aucune manière les déclarations, condamnations, ordonnances et défenses que dessus, et n'ait la témérité de s'y opposer; que si quelqu'un ose commettre cet attentat, qu'il sache qu'il encourra l'indignation du Dieu tout-puissant et des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul.

Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, l'an de l'Incarnation de Notre-Seigneur I7I3, le 8 de septembre, et de notre pontificat le treizième.

I. card. prodataire,
F. Oliviem.
L. Sekoardi.

Visa de la cour,
La place † du sceau.
Registrées dans la secrétairerie des Brefs,

L. Martinetti.
L'an de la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ 1713, indiction 6e, le 10 du mois de septembre, et la treizième année du pontificat de notre très-saint père en Jésus-Christ Clément, par la providence de Dieu, pape XIe du nom : ces lettres apostoliques ont été affichées et publiées aux portes de l'église de Saint-Jean-de-Latran et de la basilique de Saint-Pierre, prince des apôtres, de la chancellerie apostolique de la cour générale au mont Citerio, dans le champ de Flore, et aux autres lieux ordinaires et accoutumés de Rome, par moi, Pierre Romulatio, curseur apostolique.

Ant. Piacentino,


Maître des curseurs.

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