Clément, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à tous
les fidèles chrétiens, salut et bénédiction apostolique.
Lorsque le Fils unique de Dieu',qui s'est fait fils de
l'homme pour notre salut et pour celui de tout le monde, enseignoit à ses
disciples la doctrine de vérité, et lorsqu'il instruisoit l'Église universelle
dans la personne de ses apôtres, il donna des préceptes pour former cette
Église naissante; et prévoyant ce qui devoit l'agiter dans les siècles futurs,
il sut pourvoir à ses besoins par un excellent et salutaire avertissement :
c'est de nous tenir en garde contre les faux prophètes, qui viennent à nous
revêtus de la peau des brebis, et il désigne principalement sous ce nom ces
maîtres de mensonge, ces séducteurs pleins d'artifices, qui ne font éclater
dans leurs discours les apparences de la plus solide piété que pour insinuer
imperceptiblement leurs dogmes dangereux et pour introduire, sous les dehors de
la sainteté, des sectes qui conduisent les hommes à leur perte; séduisant avec
d'autant plus de facilité ceux qui ne se défient pas de leurs pernicieuses
entreprises, que, comme des loups qui dépouilleroient leur peau pour se couvrir
de la peau des brebis, ils s'enveloppent, pour ainsi parler, des maximes de la
loi divine, des préceptes des saintes Écritures, dont ils interprètent
malicieusement les expressions, et de celles mêmes du Nouveau Testament, qu'ils
ont l'adresse de corrompre en diverses manières pour perdre les autres et pour
se perdre eux-mêmes: vrais fils de l'ancien père de mensonge, ils ont appris
par son exemple, et par ses enseignements, qu'il n'est point de voie plus sûre
ni plus prompte pour tromper les âmes et pour leur insinuer le venin des
erreurs les plus criminelles, que de couvrir ces erreurs de l'autorité de la
parole de Dieu.
Pénétré de ces divines instructions, aussitôt que nous eûmes
appris, dans la profonde amertume de notre cœur, qu'un certain livre, imprimé
autrefois en langue françoise et divisé en plusieurs tomes, sous ce titre : le
Nouveau Testament en françois, avec des réflexions morales, etc.; que ce livre,
quoique nous l'eussions déjà condamné, parce qu'en effet les vérités
catholiques y sont confondues avec plusieurs dogmes faux et dangereux, passoit
encore dans l'opinion de beaucoup de personnes pour un livre exempt de toute
sorte d'erreurs; qu'on le mettoit partout entre les mains des fidèles, et qu'il
se répandoit de tous côtés par les soins affectés de certains esprits remuants
qui font de continuelles tentatives en faveur des nouveautés; qu'on l'avoit
même traduit en latin, afin que la contagion de ses maximes pernicieuses
passât, s'il étoit possible, de nation en nation et de royaume en royaume; nous
fûmes saisis d'une très-vive douleur de voir le troupeau du Seigneur, qui est
commis à nos soins, entraîné dans la voie de perdition par des insinuations si
séduisantes et si trompeuses. Ainsi donc, également excité par notre
sollicitude pastorale, par les plaintes réitérées des personnes qui ont un vrai
zèle pour la foi orthodoxe, surtout par les lettres et par les prières d'un
grand nombre de nos vénérables frères les évêques de France, nous avons pris la
résolution d'arrêter par quelque remède plus efficace le cours d'un mal qui
croissoit toujours, et qui pourrait avec le temps produire les plus funestes
effets.
Après avoir donné toute notre application à découvrir la
cause d'un mal si pressant, et après avoir fait sur ce sujet de mûres et de
sérieuses réflexions, nous avons enfin reconnu très distinctement que le
progrès dangereux qu'il a fait, et qui s'augmente tous les jours, vient
principalement de ce que le venin de ce livre est très-caché, semblable à un
abcès, dont la pourriture ne peut sortir qu'après qu'on y a fait des incisions.
En effet, à la première ouverture du livre, le lecteur se sent agréablement
attiré par de certaines apparences de piété. Le style de cet ouvrage est plus
doux et plus coulant que l'huile, mais ses expressions sont comme des traits
prêts à partir d'un arc, qui n'est tendu que pour blesser imperceptiblement
ceux qui ont le cœur droit. Tant de motifs nous ont donné lieu de croire que
nous ne pouvons rien faire de plus à propos ni de plus salutaire, après avoir
jusqu'à présent marqué en général la doctrine artificieuse de ce livre, que
d'en découvrir les erreurs en détail et que de les mettre plus clairement et plus
distinctement devant les yeux de tous les fidèles, par un extrait de plusieurs
propositions contenues dans l'ouvrage, où nous leur ferons voir l'ivraie
dangereuse séparée du bon grain, qui la couvre. Par ce moyen, nous dévoilerons
et nous mettrons au grand jour non-seulement quelques-unes de ces erreurs, mais
nous en exposerons un grand nombre des plus pernicieuses, soit qu'elles aient
été déjà condamnées, soit qu'elles aient été inventées depuis peu. Nous
espérons que le ciel bénira nos soins, et que nous ferons si bien connaître et
si bien sentir la vérité, que tout le monde sera forcé de suivre ses lumières.
Ce ne sont pas seulement les évêques ci-dessus mentionnés
qui nous ont témoigné que par ce moyen nous ferions une chose très-utile et
très-nécessaire pour l'intérêt de la foi catholique et pour le repos des
consciences, et que nous mettrions fin aux diverses contestations qui se sont
élevées, principalement en France, et qui doivent leur origine à de certains
esprits qui veulent se distinguer par une doctrine nouvelle, et qui tâchent de
faire naître dans ce royaume florissant des divisions encore plus dangereuses,
mais même notre très-cher fils en Jésus-Christ, Louis, roi de France
très-chrétien, dont nous ne pouvons assez louer le zèle pour la défense et pour
la conservation de la pureté de la foi catholique et pour l'extirpation des
hérésies; ce prince, par ses instances réitérées et dignes d'un roi
très-chrétien, nous a fortement sollicité de remédier incessamment au besoin
pressant des âmes par l'autorité d'un jugement apostolique.
Touché de ces raisons, animé par le Seigneur, et mettant
notre confiance en son divin secours, nous avons cru devoir faire une si sainte
entreprise, et nous nous y sommes attaché avec tout le soin et toute
l'application que l'importance de l'affaire pouvoit exiger. D'abord nous avons
fait examiner par plusieurs docteurs en théologie, en présence de deux de nos
vénérables frères cardinaux de la sainte Église romaine, un grand nombre de
propositions extraites avec fidélité, et respectivement, des différentes
éditions dudit livre, tant françoises que latines, dont nous avons parlé
ci-dessus. Nous avons ensuite été présent à cet examen; nous y avons appelé
plusieurs autres cardinaux pour avoir leur avis, et après avoir confronté pendant
tout le temps, et avec toute l'attention nécessaire, chacune des propositions
avec le texte du livre, nous avons ordonné qu'elles fussent examinées et
exécutées très-soigneusement dans plusieurs congrégations qui se sont tenues à
cet effet. Les propositions dont il s'agit sont celles qui suivent:
I
Que reste-t-il à une âme qui a perdu Dieu et sa grâce sinon
le péché et ses suites, une orgueilleuse pauvreté et une indigence paresseuse,
c'est-à-dire une impuissance générale au travail, à la prière et à tout bien ?
II
La grâce de Jésus-Christ, principe efficace de toute sorte
de bien, est nécessaire pour toute bonne action, grande ou petite, facile ou
difficile, pour la commencer, la continuer ou l'achever sans elle, non
seulement on ne fait rien, mais on ne peut rien faire.
III
En vain vous commandez, Seigneur, si vous ne donnez
vous-même ce que vous commandez.
IV
Oui, Seigneur, tout est possible à celui à qui vous rendez
tout possible en le faisant en lui.
V
Quand Dieu n'amollit pas le cœur par l'onction intérieure de
sa grâce, les exhortations et les grâces extérieures ne servent qu'à l'endurcir
davantage.
VI
Quelle différence, ô mon Dieu, entre l'alliance Judaïque et
l'alliance chrétienne ! L'une et l'autre a pour condition le renoncement au
péché et l'accomplissement de votre loi, mais là vous l'exigez du pécheur en le
laissant dans son impuissance ; ici vous lui donnez ce que vous lui commandez
en le purifiant par votre grâce.
VII
Quel avantage y a-t-il pour l'homme dans une alliance où
Dieu le laisse à sa propre faiblesse en lui imposant sa loi ? Mais quel bonheur
n'y a-t-il point d'entrer dans une alliance où Dieu nous donne ce qu'il demande
de nous.
VIII
Nous n'appartenons à la nouvelle alliance qu'autant que nous
avons part à cette nouvelle grâce qui opère en nous ce que Dieu nous commande.
IX
Ce n'est que par la grâce de Jésus-Christ que nous sommes à
Dieu, grâce souveraine sans laquelle on ne peut jamais confesser Jésus-Christ,
et avec laquelle on ne le renie jamais.
X
La compassion de Dieu sur nos péchés, c'est son amour pour
le pécheur, cet amour, la source de la grâce ; cette grâce, une opération de la
main toute-puissante de Dieu que rien ne peut empêcher, ni retarder.
XI
La grâce peut tout réparer en un moment, parce que ce n'est
pas autre chose que la volonté toute-puissante de Dieu qui commande et qui fait
tout ce qu'il commande.
XII
Quand Dieu veut sauver l'âme, en tout temps, en tout lieu,
l'indubitable effet suit le vouloir d'un Dieu.
XIII
Quand Dieu veut sauver une âme et qu'il la touche de la main
intérieure de sa grâce, nulle volonté humaine ne lui résiste.
XIV
Quelque éloigné que soit du salut un pécheur obstiné, quand
Jésus se fait voir à lui par la lumière salutaire de sa grâce, il faut qu'il se
rende, qu'il accoure, qu'il s'humilie et qu'il adore son Sauveur.
XV
Quand Dieu accompagne son commandement et sa parole
extérieure de l'onction de son esprit et de la force intérieure de sa grâce,
elle opère dans le cœur l'obéissance qu'elle demande.
XVI
Il n'y a point de charmes qui ne cèdent à ceux de la grâce
parce que rien ne résiste au Tout-Puissant.
XVII
La grâce est donc cette voix du Père qui enseigne
intérieurement les hommes et les fait venir à Jésus-Christ. Quiconque ne vient
pas à lui, après avoir entendu la voix extérieure du Fils, n'est point enseigné
par le Père.
XVIII
La semence de la parole que la main de Dieu arrose porte
toujours son fruit.
XIX
La grâce de Dieu n'est autre chose que sa volonté toute
puissante. C'est l'idée que Dieu nous en donne lui-même dans toutes ses
Écritures.
XX
La vraie idée de la grâce est que Dieu veut que nous lui
obéissions et il est obéi ; il commande et tout se fait ; il parle en Maître et
tout est soumis.
XXI
La grâce de Jésus-Christ est une grâce... divine, comme
créée pour être digne du Fils de Dieu, forte, puissante, souveraine,
invincible, comme étant l'opération de la volonté toute-puissante, une suite et
une imitation de l'opération de Dieu, incarnant et ressuscitant son Fils.
XXII
L'accord de l'opération toute-puissante de Dieu dans le cœur
de l'homme avec le libre consentement de sa volonté nous est montré d'abord
dans l'Incarnation, comme dans la source et le modèle de toutes les autres
opérations de miséricorde et de grâce, toutes aussi gratuites et aussi
dépendantes de Dieu que cette opération originale.
XXIII
Dieu, dans la foi d'Abraham à laquelle les promesses étoient
attachées, nous a donné lui-même l'idée qu'il veut que nous ayons de l'opération
toute-puissante de sa grâce dans nos cœurs, en la figurant par celle qui tire
les créatures du néant et qui redonne la vie aux morts.
XXIV
L'idée juste qu'a le Centenier de la toute-puissance de Dieu
et de Jésus-Christ sur les corps pour les guérir par le seul mouvement de sa
volonté est l'image de celle qu'on doit avoir de la toute-puissance de sa grâce
pour guérir les âmes de la cupidité.
XXV
Dieu éclaire l'âme et la guérit, aussi bien par le corps que
par sa seule volonté ; il commande et il est obéi.
XXVI
Point de grâces que par la Foi.
XXVII
La Foi est la première grâce et la source de toutes les
autres.
XXVIII
La première grâce que Dieu accorde au pécheur, c'est le
pardon de ses péchés.
XXIX
Hors d'elle (l'Église) point de grâce.
XXX
Tous ceux que Dieu veut sauver par Jésus-Christ le sont
infailliblement.
XXXI
Les souhaits de Jésus ont toujours leur effet ; il porte la
paix jusqu'au fond du cœur quand il la leur désire.
XXXII
Assujettissement volontaire, médicinal et divin de
Jésus-Christ... de se livrer à la mort afin de délivrer pour jamais par son
sang les ainés, c'est-à-dire les élus, de la main de l'ange exterminateur.
XXXIII
Combien faut-il avoir renoncé aux choses de la terre et à
soi-même pour avoir la confiance de s'approprier, pour ainsi dire,
Jésus-Christ, son amour, sa mort et ses mystères, comme fait saint Paul en
disant : Il m'a aimé et s'est livré pour moi.
XXXIV
La grâce d'Adam... ne produisait que des mérites humains.
XXXV
La grâce d'Adam est une suite de la création et était due à
la nature saine et entière.
XXXVI
C'est une différence essentielle de la grâce d'Adam et de
l'état d'innocence d'avec la grâce chrétienne que chacun auroit reçu la
première en sa propre personne au lieu qu'on ne reçoit celle-ci qu'en la
personne de Jésus-Christ ressuscité à qui nous sommes unis.
XXXVII
La grâce d'Adam le sanctifiant en lui-même lui étoit
proportionnée ; la grâce chrétienne, nous sanctifiant en Jésus-Christ, est
toute-puissante et digne du Fils de Dieu.
XXXVIII
Le pécheur n'est libre que pour le mal sans la grâce du
Libérateur.
XXXIX
La volonté qu'elle (la grâce) ne prévient point n'a de
lumière que pour s'égarer, d'ardeur que pour se précipiter, de force que pour
se blesser ; capable de tout mal, impuissante à tout bien.
XL
Sans laquelle (cette grâce de Jésus-Christ) nous ne pouvons
rien aimer qu'à notre condamnation.
XLI
Toute connaissance de Dieu, même naturelle, même dans les
philosophes païens, ne peut venir que de Dieu ; sans la grâce elle ne produit
qu'orgueil, que vanité, qu'opposition à Dieu même, au lieu des sentiments
d'adoration, de reconnoissance et d'amour.
XLII
Il n'y a que la grâce de Jésus-Christ qui rende l'homme
propre au sacrifice de la Foi ; sans cela rien qu'impureté rien qu'indignité.
XLIII
Le premier effet de la grâce du baptême est de nous faire
mourir au péché ; en sorte que l'esprit, le cœur, les sens n'aient non plus de
vie pour le péché que ceux d'un mort pour les choses du monde.
XLIV
Il n'y a que deux amours d'où naissent toutes nos volontés
et toutes nos actions ; l'amour de Dieu qui fait tout pour Dieu et que Dieu
récompense ; l'amour de nous-mêmes et du monde qui ne rapporte pas à Dieu ce
qui doit lui être rapporté et qui par cette raison même devient mauvais.
XLV
Quand l'amour de Dieu ne règne plus dans le cœur du pécheur,
il est nécessaire que la cupidité charnelle y règne et corrompe toutes ses
actions.
XLVI
La cupidité ou la charité rendent l'usage des sens bon ou
mauvais.
XLVII
L'obéissance à la loi doit couler de source, et cette source
c'est la charité. Quand l'amour de Dieu en est le principe intérieur et sa
gloire la fin, le dehors est net ; sans cela ce n'est qu'hypocrisie ou fausse
justice.
XLVIII
Que peut-on être autre chose que ténèbres, qu'égarement et
que péché sans la lumière de la Foi, sans Jésus-Christ, sans la charité ?
XLIX
Nul péché sans l'amour de nous-mêmes comme nulle bonne œuvre
sans Dieu.
L
C'est en vain qu'on crie à Dieu : mon Père ! si ce n'est
point l'esprit de charité qui crie.
LI
La foi justifie quand elle opère, mais elle n'opère que par
la charité.
LII
Tous les autres moyens de salut sont renfermés dans la foi
comme dans leur germe et leur semence ; mais ce n'est pas une foi sans amour et
sans confiance.
LIII
La seule charité les fait (les actions chrétiennes) si
chrétiennement par rapport à Dieu et à Jésus-Christ.
LIV
C'est elle seule (la charité) qui parle à Dieu ; c'est elle
seule que Dieu entend.
LV
Dieu ne couronne que la charité ; qui court par un autre
mouvement et par un autre motif court en vain.
LVI
Dieu ne récompense que la charité parce que la charité seule
honore Dieu.
LVII
Tout manque à un pécheur quand l'espérance lui manque, et il
n'y a point d'espérance en Dieu où il n'y a point d'amour de Dieu.
LVIII
Il n'y a ni Dieu, ni religion où il n'y a point de charité.
LIX
La prière des impies est un nouveau péché, et ce que Dieu
leur accorde un nouveau jugement sur eux.
LX
Si la seule crainte du supplice amène le repentir, plus ce
repentir est violent, plus il conduit au désespoir.
LXI
La crainte n'arrête que la main, et le cœur est livré au
péché tant que l'amour de la justice ne le conduit pas.
LXII
Qui ne s'abstient du mal que par la crainte du châtiment le
commet dans son cœur et est déjà coupable devant Dieu.
LXIII
Un baptisé est encore sous la loi comme un juif s'il
n'accomplit pas la loi ou s'il l'accomplit par la seule crainte.
LXIV
Sous la malédiction de la loi on ne fait jamais le bien
parce qu'on pèche ou en faisant le mal ou en ne l'évitant pas.
LXV
Moïse et les prophètes, les prêtres et les docteurs de la
loi sont morts sans donner d'enfants à Dieu, n'ayant fait que des esclaves par
la crainte.
LXVI
Qui veut s'approcher de Dieu ne doit ni venir à lui avec des
passions brutales, ni se conduire par un instinct naturel ou par la crainte,
comme les bêtes, mais par la foi ou par l'amour comme les enfants.
LXVII
La crainte servile ne se le représente (Dieu) que comme un
maître dur, impérieux, injuste, intraitable.
LXVIII
Quelle bonté de Dieu d'avoir ainsi abrégé la voie du salut
en renfermant tout dans la foi et dans la prière !
LXIX
La foi, l'usage, l'accroissement et la récompense de la foi,
tout est un don de votre pure libéralité.
LXX
Dieu n'afflige jamais des innocents, et les afflictions
servent toujours ou à punir le péché, ou à purifier le pécheur.
LXXI
L'homme peut se dispenser, pour sa conservation, d'une loi
que Dieu a faite pour son utilité.
LXXII
Marques et propriétés]de l'Église chrétienne. Elle est...
catholique, comprenant et tous les anges du ciel, et tous les élus et les
justes de la terre et de tous les siècles.
LXXIII
Qu'est-ce que l'Église, sinon l'assemblage des enfants de
Dieu demeurant dans son sein, adoptez en Jésus-Christ, subsistants en sa
personne, rachetez de son sang, vivants de son esprit, agissants par sa grâce
et attendant la paix du siècle à venir.
LXXIV
L'Église ou le Christ entier qui a pour chef le Verbe
incarné et pour membres tous les saints.
LXXV
Unité admirable de l'Église. C'est... un seul homme composé
de plusieurs membres dont Jésus-Christ est la tête, la vie, la subsistance et
la personne... Un seul Christ composé de plusieurs saints dont il est le
sanctificateur.
LXXVI
Rien de si spacieux que l'Église de Dieu puisque tous les
élus et les justes de tous les siècles la composent.
LXXVII
Qui ne mène pas une vie digne d'un enfant de Dieu, ou d'un
membre de Jésus-Christ cesse d'avoir intérieurement Dieu pour père et
Jésus-Christ pour chef.
LXXVIII
Le peuple juif était la figure du peuple élu dont
Jésus-Christ est le chef. L'excommunication la plus terrible est de n'être
point de ce peuple et de n'avoir point de part à Jésus-Christ. On s'en
retranche aussi bien en ne vivant pas selon l'Évangile qu'en ne croyant pas à
l'Évangile.
LXXIX
Il est utile et nécessaire en tout tems, en tout lieu et à
toutes sortes de personnes d'en étudier (de l'Écriture) et d'en connaître
l'esprit, la piété et les mystères.
LXXX
La lecture de l'Écriture sainte, entre les mains même d'un
homme d'affaires et de finances marque qu'elle est pour tout le monde.
LXXXI
L'obscurité sainte de la parole de Dieu n'est pas aux
laïques une raison pour se dispenser de la lire.
LXXXII
Le Dimanche, qui a succédé au sabbat, doit être sanctifié
par des lectures de piété et surtout des saintes Écritures. C'est le lait du
chrétien et que Dieu même qui connaît son œuvre lui a donné. Il est dangereux
de l'en vouloir sevrer.
LXXXIII
C'est une illusion de s'imaginer que la connaissance des
mystères de la Religion ne doive pas être communiquée à ce sexe par la lecture
des Livres saints, après cet exemple de la confiance avec laquelle Jésus-Christ
se manifeste à cette femme. Ce n'est pas de la simplicité des femmes, mais de
la science orgueilleuse des hommes qu'est venu l'abus des Écritures et que sont
nées les hérésies.
LXXXIV
C'est la fermer aux Chrétiens (la bouche de Jésus-Christ)
que de leur arracher des mains ce Livre saint, ou de le leur tenir fermé, en
leur ôtant le moyen de l'entendre.
LXXXV
En interdire la lecture (de l'Écriture et particulièrement
de l'Évangile) aux Chrétiens, c'est interdire l'usage de la lumière aux enfants
de la lumière et leur faire souffrir une espèce d'excommunication.
LXXXVI
Lui ravir, au simple peuple, cette consolation d'unir sa
voix à celle de toute l'Église, c'est un usage contraire à la pratique
apostolique et au dessein de Dieu.
LXXXVII
C'est une conduite pleine de sagesse, de lumière et de
charité de donner aux âmes le temps de porter avec humilité et de sentir l'état
du péché ; de demander l'esprit de pénitence et de contrition et de commencer
au moins à satisfaire à la justice de Dieu avant que de les réconcilier.
LXXXVIII
On ne sait ce que c'est que le péché et la vraie pénitence
quand on veut être rétabli d'abord dans la possession des biens dont le péché
nous a dépouillez et qu'on ne veut point porter la confusion de cette
séparation.
LXXXIX
Le quatorzième degré de la conversion du pécheur est
qu'étant réconcilié il a droit d'assister au sacrifice de l'Église.
XC
C'est l'Église qui en a l'autorité (de l'excommunication)
pour l'exercer par les premiers Pasteurs, du consentement au moins présumé de
tout le Corps.
XCI
La crainte même d'une excommunication injuste ne nous doit
jamais empêcher de faire notre devoir... On ne sort jamais de l'Église lors
même qu'il semble qu'on en soit banni par la méchanceté des hommes quand on est
attaché à Dieu, à Jésus-Christ et à l'Église même par la charité.
XCII
C'est imiter saint Paul que de souffrir en paix
l'excommunication et l'anathème injuste plutôt que de trahir la vérité, loin de
s'élever contre l'autorité ou de rompre l'unité.
XCIII
Jésus guérit quelquefois les blessures que la précipitation
des premiers Pasteurs fait sans son ordre ; il rétablit ce qu'ils retranchent
par un zèle inconsidéré.
XCIV
Rien ne donne une plus mauvaise opinion de l'Église à ses
ennemis que d'y voir dominer sur la foi des fidèles et y entretenir des
divisions pour des choses qui ne blessent ni la foi ni les mœurs.
XCV
Les vérités sont devenues comme une langue étrangère à la
plupart des Chrétiens et la manière de les prêcher est comme un langage
inconnu, tant elle est éloignée de la simplicité des Apôtres et au-dessus de la
portée du commun des fidèles. Et on ne fait pas réflexion que ce déchet est une
des marques les plus sensibles de la vieillesse de l'Église et de la colère de
Dieu sur ses enfants.
XCVI
Dieu permet que toutes les puissances soient contraires aux
prédicateurs de la vérité afin que sa victoire ne puisse être attribuée qu'à sa
grâce.
XCVII
Il n'arrive que trop souvent que les membres le plus
saintement et le plus étroitement unis à l'Église sont regardés et traités
comme indignes d'y être ou comme en étant déjà séparés. Mais le juste vit de la
foi de Dieu et non pas de l'opinion des hommes.
XCVIII
Celui (l'état) d'être persécuté et de souffrir comme un
hérétique, un méchant, un impie est ordinairement la dernière épreuve et la
plus méritoire comme celle qui donne plus de conformité à Jésus-Christ.
XCIX
L'entêtement, la prévention, l'obstination à ne vouloir ni
rien examiner, ni reconnaître qu'on s'est trompé changent tous les jours en
odeur de mort, à l'égard de bien des gens, ce que Dieu a mis dans son Église
pour y être une odeur de vie comme les bons livres, les instructions, les
saints exemples etc.
C
Temps déplorable où on croit honorer Dieu en persécutant la
vérité et ses disciples. Ce temps est venu... être regardé et traité par ceux
qui en sont les ministres, de la religion, comme un impie, indigne de tout
commerce avec Dieu, comme un membre pourri, capable de tout corrompre dans la
société des Saints, c'est pour les personnes pieuses une mort plus terrible que
celle du corps. En vain on se flatte de la pureté de ses intentions et d'un
zèle de religion en poursuivant des gens de bien à feu et à sang, si on est
aveuglé par sa propre passion ou emporté par celle des autres, faute de vouloir
rien examiner. On croit souvent sacrifier à Dieu un impie et on sacrifie au
diable un serviteur de Dieu.
CI
Rien n'est plus contraire à l'esprit de Dieu et à la
doctrine de Jésus-Christ que de rendre communs les serments dans l'Église parce
que c'est multiplier les occasions des parjures, dresser des pièges aux faibles
et aux ignorants, et faire quelquefois servir le nom et la vérité de Dieu aux
desseins des méchants.
A ces causes, après avoir reçu tant de vive voix que par
écrit les suffrages des susdits cardinaux et de plusieurs autres théologiens,
et après avoir ardemment imploré le secours du ciel par des prières
particulières que nous avons faites, et par des prières publiques que nous
avons ordonnées à cette intention, nous déclarons par la présente Constitution,
qui doit avoir son effet à perpétuité, que nous condamnons et réprouvons toutes
et chacune des propositions ci-dessus rapportées, comme étant respectivement
fausses, captieuses, malsonnantes, capables de blesser les oreilles pieuses,
scandaleuses, pernicieuses, téméraires, injurieuses à l'Église et à ses usages,
outrageantes non seulement pour elle, mais pour les puissances séculières;
séditieuses, impies, blasphématoires, suspectes d'hérésie, sentant l'hérésie,
favorables aux hérétiques, aux hérésies et au schisme, erronées, approchantes
de l'hérésie et souvent condamnées; enfin, comme hérétiques et comme
renouvelant diverses hérésies, principalement celles qui sont contenues dans
les fameuses propositions de Jansénius, prises dans le sens auquel elles ont
été condamnées.
Nous défendons à tous les fidèles de l'un et de l'autre sexe
de penser, d'enseigner ou de parler sur lesdites propositions autrement qu'il n'est
porté dans cette Constitution : en sorte que quiconque enseigneroit,
soutiendroit ou mettroit au jour ces propositions ou quelques-unes d'entre
elles, soit conjointement, soit séparément, ou qui en traiteroit même par
manière de dispute en public ou en particulier, si ce n'est peut-être pour les
combattre, encoure ipso facto, et sans qu'il soit besoin d'autre déclaration,
les censures ecclésiastiques et les autres peines portées de droit contre ceux ui
font des emblables choses.
Au reste, par la condamnation expresse et particulière que
nous faisons des susdites propositions, nous ne prétendons nullement approuver
ce qui est contenu dans le reste du même livre, d'autant plus que, dans le
cours de l'examen que nous en avons fait, nous y avons remarqué plusieurs
autres propositions qui ont beaucoup de ressemblance et d'affinité avec celles
que nous venons de condamner, et qui sont toutes remplies des mêmes erreurs; de
plus, nous y en avons trouvé beaucoup d'autres qui sont propres à entretenir la
désobéissance et la rébellion qu'elles veulent insinuer insensiblement sous le
faux nom de patience chrétienne, par l'idée chimérique qu'elles donnent aux
lecteurs, d'une persécution qui règne aujourd'hui, mais nous avons cru qu'il
seroit inutile de rendre cette Constitution plus longue par un détail
particulier de ces propositions; enfin, ce qui est plus intolérable dans cet
ouvrage, nous y avons vu le texte sacré du Nouveau Testament altéré d'une
manière qui ne peut être que trop condamnée, et conforme en beaucoup d'endroits
à une traduction dite de Mons, qui a été censurée depuis longtemps. Il y est
différent, et s'éloigne en diverses façons de la version vulgate, qui est en
usage dans l'Église depuis tant de siècles, et qui doit être regardée comme
authentique par toutes les personnes orthodoxes, et l'on a porté la mauvaise
foi jusqu'au point de détourner le sens naturel du texte pour y substituer un
sens étranger et souvent dangereux.
Pour toutes ces raisons, en vertu de l'autorité apostolique,
nous défendons de nouveau par ces présentes, et condamnons derechef ledit
livre, sous quelque titre et en quelque langue qu'il ait été imprimé, de
quelque édition et en quelque version qu'il ait paru ou qu'il puisse paroître
dans la suite (ce qu'à Dieu ne plaise), nous le condamnons comme étant très capable
de séduire les âmes simples par des paroles pleines de douceur et par des
bénédictions, ainsi que s'exprime l'apôtre, c'est-à-dire par les apparences
d'une instruction remplie de piété. Condamnons pareillement tous les autres
livres ou libelles, soit manuscrits, soit imprimés, ou (ce qu'à Dieu ne plaise)
qui pourroient s'imprimer dans la suite pour la défense dudit livre. Nous
défendons à tous les fidèles de les lire, de les copier, de les retenir et d'en
faire usage, sous peine d'excommunication, qui sera encourue, ipso facto, par
les contrevenants.
Nous ordonnons de plus à nos vénérables frères les
patriarches, archevêques et évêques, et autres ordinaires des lieux, comme
aussi aux inquisiteurs de l'hérésie, de réprimer et de contraindre par les
censures, par les peines susdites et par tous les autres remèdes de droit et de
fait, ceux qui ne voudroient pas obéir; même d'implorer pour cela, s'il en est
besoin, le secours du bras séculier.
Voulons aussi que même foi soit ajoutée aux copies des
présentes, même imprimées, pourvu qu'elles soient signées de la main d'un
notaire public, et scellées du sceau de quelque personne constituée en dignité
ecclésiastique, que celle que l'on auroit à l'original, s'il étoit montré et
représenté.
Que personne donc ne se donne la licence d'enfreindre en
aucune manière les déclarations, condamnations, ordonnances et défenses que
dessus, et n'ait la témérité de s'y opposer; que si quelqu'un ose commettre cet
attentat, qu'il sache qu'il encourra l'indignation du Dieu tout-puissant et des
bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul.
Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, l'an de l'Incarnation
de Notre-Seigneur I7I3, le 8 de septembre, et de notre pontificat le treizième.
I. card. prodataire,
F. Oliviem.
L. Sekoardi.
Visa de la cour,
La place † du sceau.
Registrées dans la secrétairerie des Brefs,
L. Martinetti.
L'an de la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ 1713,
indiction 6e, le 10 du mois de septembre, et la treizième année du pontificat
de notre très-saint père en Jésus-Christ Clément, par la providence de Dieu,
pape XIe du nom : ces lettres apostoliques ont été affichées et publiées aux
portes de l'église de Saint-Jean-de-Latran et de la basilique de Saint-Pierre,
prince des apôtres, de la chancellerie apostolique de la cour générale au mont
Citerio, dans le champ de Flore, et aux autres lieux ordinaires et accoutumés
de Rome, par moi, Pierre Romulatio, curseur apostolique.
Ant. Piacentino,
Maître des curseurs.
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