PIE, ÉVÊQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU
Le saint Concile approuvant, en perpétuel souvenir.
Le Fils de Dieu et Rédempteur du genre humain,
Notre-Seigneur Jésus-Christ, sur le point de retourner à son Père céleste, a
promis d'être avec son Église militante sur la terre, tous les jours, jusqu'à
la consommation des siècles. C'est pourquoi, il n'a cessé jamais en aucun temps
d'être près de son épouse bien-aimée, de l'assister dans son enseignement, de
bénir ses œuvres et de la secourir en ses périls. Or, tandis que cette
Providence salutaire a constamment éclaté par beaucoup d'autres bienfaits
innombrables, elle s'est montrée très-manifestement par les fruits abondants
que l'univers chrétien a retirés des Conciles, et nommément du Concile de
Trente, bien qu'il ait été célébré en des temps mauvais. En effet, grâce à
cette assistance, les dogmes très-saints de la religion ont été définis avec
plus de précision et exposés avec plus de développements, les erreurs
condamnées et arrêtées, la discipline ecclésiastique rétablie et plus
solidement raffermie, le clergé excité à l'amour de la science et de la piété,
des collèges établis pour préparer les adolescents à la sainte milice, enfin
les mœurs du peuple chrétien restaurées par un enseignement plus attentif des
fidèles et par un plus fréquent usage des sacrements. Par là encore la
communion des membres avec le chef visible a été rendue plus étroite et une
nouvelle vigueur a été apportée à tout le corps mystique du Christ ; les
familles religieuses se sont multipliées ainsi que d'autres institutions de la
piété chrétienne ; et par là aussi une ardeur constante et assidue s'est montrée,
jusqu'à l'effusion du sang, pour propager au loin dans l'univers le règne de
Jésus-Christ.
Cependant, tout en rappelant, comme il convient à Notre âme
reconnaissante, ces bienfaits insignes et d'autres encore, que la divine
Providence a accordés à l'Église, surtout par le dernier Concile œcuménique,
Nous ne pouvons retenir l'expression de notre douleur amère à cause des maux
très-graves survenus principalement parce que, chez un grand nombre, on a ou
méprisé l'autorité de ce saint Synode ou négligé ses sages décrets.
En effet, personne n'ignore qu'après avoir rejeté le divin
magistère de l'Église, et les choses de la religion étant laissées ainsi au
jugement privé de chacun, les hérésies proscrites par les Pères de Trente se
sont divisées peu à peu en sectes multiples, de telle sorte que, séparées
d'opinion et se déchirant entre elles, plusieurs enfin ont perdu toute foi en
Jésus-Christ. Ainsi elles ont commencé à ne plus tenir pour divine la sainte
Bible elle-même, qu’elle affirmait autrefois être la source unique et le seul
juge de la doctrine chrétienne, et même à l'assimiler aux fables mythiques.
C'est alors qu'a pris naissance et que s'est répandue au
loin dans le monde cette doctrine du rationalisme ou du naturalisme qui,
s'attaquant par tous les moyens à la religion chrétienne, parce qu'elle est une
institution surnaturelle, s'efforce avec une grande ardeur d'établir le règne
de ce qu'on appelle la raison pure et la nature, après avoir arraché le Christ,
notre seul Seigneur et Sauveur, de l'âme humaine, de la vie et des mœurs des
peuples. Mais la religion chrétienne étant ainsi laissée et rejetée, Dieu et
son Christ niés, l'esprit d'un grand nombre est tombé dans l'abîme du
panthéisme, du matérialisme et de l'athéisme, à ce point que, niant la nature
raisonnable elle-même et toute règle du droit et du juste, ils s'efforcent de
détruire les derniers fondements de la société humaine.
Il est donc arrivé malheureusement que, cette impiété
s'étendant de toutes parts, plusieurs des Fils de l'Église catholique eux-mêmes
sont sortis du chemin de la vraie piété, et qu'en eux le sens catholique s'est
oblitéré par l'amoindrissement successif des vérités. Car, entraînés par des
doctrines diverses et étrangères, et confondant à tort la nature et la grâce, la
science humaine et la foi divine, ils finissent par altérer le sens propre des
dogmes que tient et enseigne notre Mère la sainte Église, et par mettre en
péril l'intégrité et la sincérité de la foi.
En présence de toutes ces calamités, comment se pourrait-il
faire que l'Église ne fût pas émue jusqu'au fond de ses entrailles ? Car, de
même que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et qu'ils arrivent à la
connaissance de la vérité, de même que Jésus-Christ est venu afin de sauver ce
qui était perdu et de rassembler dans l'unité les enfants de Dieu qui étaient
dispersés ; de même l'Église, établie par Dieu mère et maîtresse des peuples,
sait qu'elle se doit à tous, et elle est toujours disposée et préparée à
relever ceux qui sont tombés, à soutenir les défaillants, à embrasser ceux qui
reviennent à elle, à confirmer les bons et à les pousser vers la perfection.
C'est pourquoi elle ne peut s'abstenir en aucun temps d'attester et de prêcher
la vérité de Dieu qui guérit toutes choses, car elle n'ignore pas que c'est à
elle qu'il a été dit : " Mon Esprit qui est en toi et mes paroles que j'ai
posées en ta bouche ne s'éloigneront jamais de ta bouche, maintenant et pour
l'éternité (Is. LIX, 21). "
C'est pourquoi, persistant à marcher sur les traces de Nos
prédécesseurs, et selon le devoir de Notre charge apostolique, Nous n'avons
jamais cessé d'enseigner et de défendre la vérité catholique et de réprouver
les doctrines perverses. Mais, à présent, au milieu des Évêques du monde entier
siégeant avec Nous et jugeant, réunis dans le Saint-Esprit par Notre autorité
en ce synode œcuménique, appuyés sur la parole de Dieu écrite ou transmise par
la tradition, telle que nous l'avons reçue, saintement conservée et fidèlement
exposée par l'Église catholique, Nous avons résolu de professer et de déclarer,
du haut de cette chaire de Pierre, en face de tous, la doctrine salutaire de
Jésus-Christ en proscrivant et condamnant les erreurs contraires avec
l'autorité qui nous a été confiée par Dieu.
CHAPITRE Ier. - De Dieu,
Créateur de toutes choses.
La sainte Église catholique apostolique romaine croit et
confesse qu'il y a un seul Dieu vrai et vivant, Créateur et Seigneur du ciel et
de la terre, tout-puissant, éternel, immense, incompréhensible, infini en
intelligence et en volonté et en toute perfection ; qui, étant une substance
spirituelle unique, absolument simple et immuable, doit être proclamé comme
réellement et par essence distinct du monde, très-heureux en soi et de soi, et
indiciblement élevé au-dessus de tout ce qui est et peut se concevoir en dehors
de lui.
Ce seul vrai Dieu, par sa bonté et sa vertu toute-puissante,
non pas pour augmenter son bonheur, ni pour acquérir sa perfection, mais pour
la manifester par les biens qu'il distribue aux créatures, et de sa volonté
pleinement libre, a créé de rien, dès le commencement du temps, l'une et
l'autre créature, la spirituelle et la corporelle, c'est-à-dire l'angélique et
celle qui appartient au monde, et ensuite la créature humaine formée, comme
étant commune, d'un esprit et d'un corps (Conc. De Latr. IV, c. 1. Firmiter).
Or, Dieu protège et gouverne par sa Providence tout ce qu'il
a créé, atteignant avec force d'une fin à l'autre et disposant toutes choses
avec suavité (Sagesse, VIII, 1), car, toutes choses sont nues et ouvertes
devant ses yeux (Cf. Hébr. IV, 13), même celles qui doivent arriver par
l'action libre des créatures.
CHAPITRE II. - De la Révélation.
La même sainte Mère Église tient et enseigne que Dieu,
principe et fin de toutes choses, peut être certainement connu par les lumières
naturelles de la raison humaine, au moyen des choses créées (Rom. 1, 20) ;
" car les choses invisibles de Dieu sont aperçues au moyen de la création
du monde et comprises à l'aide des choses créées. " Cependant il a plu à
la sagesse et à la bonté de Dieu de se révéler lui-même à nous et de nous
révéler les décrets éternels de sa volonté par une autre voie surnaturelle,
selon ce que dit l'Apôtre : " Dieu, qui a parlé à nos pères par les
Prophètes plusieurs fois et de plusieurs manières, nous a parlé en ces derniers
temps et de nos jours par son Fils. (Hébr. I, 1,2). "
C'est bien à cette révélation divine que l'on doit que tous
les hommes puissent promptement connaître, même dans l'état présent du genre humain,
d'une certitude incontestable et sans aucun mélange d'erreur, celles des choses
divines qui ne sont pas de soi inaccessibles à la raison humaine. Cependant, ce
n'est pas à cause de cela, que l'on doit dire la révélation absolument
nécessaire, mais c'est parce que Dieu, dans sa bonté infinie, a élevé l'homme à
une fin surnaturelle, c'est-à-dire pour le mettre en état de participer aux
biens divins qui surpassent tout à fait l'intelligence de l'homme, " car
l'œil de l'homme n'a point vu, son oreille n'a point entendu, son cœur n'a pu
s'élever à comprendre ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment (I. Cor.,
II, 9). "
Or, cette révélation surnaturelle, selon la foi de l'Église
universelle qui a été déclarée par le saint Concile de Trente, est contenue dans
les livres écrits et dans les traditions non écrites qui, reçues de la bouche
de Jésus-Christ même par les Apôtres, ou transmises comme par les mains des
Apôtres, sous l'inspiration du Saint-Esprit, sont venues jusqu'à nous (Conc. de
Trent. Sess. IV, Décr. de Can. Script.) Et ces livres de l'Ancien et du Nouveau
Testament doivent être reconnus pour saints et canoniques en entier, dans
toutes leurs parties, tels qu'ils sont énumérés dans le décret du Concile de
Trente et comme on les lit dans l'antique édition latine de la Vulgate. Ces
livres, l'Église les tient pour saints et canoniques, non point parce que,
composés par la seule habileté humaine, ils ont été ensuite approuvés par
l'autorité de l'Église ; et non pas seulement parce qu'ils contiennent la
révélation sans erreur, mais parce que, écrits sous l'inspiration de l'Esprit
saint, ils ont Dieu pour auteur et qu'ils ont été livrés comme tels à l'Église
elle-même.
Mais parce que quelques hommes comprennent mal ce que le
saint Concile de Trente a décrété salutairement touchant l'interprétation de la
divine Écriture, afin de maîtriser les esprits téméraires, Nous, renouvelant le
même décret, Nous déclarons que l'esprit de ce décret est que, dans les choses
de la foi et des mœurs qui concernent l'édifice de la doctrine chrétienne, il
faut tenir pour le vrai sens de la sainte Écriture celui qu'a toujours tenu et
que tient Notre sainte Mère l'Église, à qui il appartient de juger du vrai sens
et de l'interprétation des saintes Écritures ; en sorte qu'il n'est permis à
personne d'interpréter l'Écriture contrairement à ce sens, ou même
contrairement au sentiment unanime des Pères.
CHAPITRE III. - De la Foi.
Puisque l'homme dépend tout entier de Dieu comme de son
Créateur et Seigneur, puisque la raison créée est absolument sujette de la
vérité incréée, nous sommes tenus de rendre par la foi à Dieu révélateur
l'hommage complet de notre intelligence et de notre volonté. Or, cette foi, qui
est le commencement du salut de l'homme, l'Église catholique professe que c'est
une vertu surnaturelle, par laquelle, avec l'aide de la grâce de Dieu
aspirante, nous croyons vraies les choses révélées, non pas à cause de la
vérité intrinsèque des choses perçue par les lumières naturelles de la raison,
mais à cause de l'autorité de Dieu lui-même, qui nous les révèle et qui ne peut
ni être trompé ni tromper. Car la foi, selon le témoignage de l'Apôtre, "
est la substance des choses que l'on doit espérer, la raison des choses qui ne
paraissent pas (Héb. XI, 1).
Néanmoins, afin que l'hommage de notre foi fût d'accord avec
la raison, Dieu a voulu ajouter aux secours intérieurs de l'Esprit saint les
preuves extérieures de sa révélation, à savoir les faits divins et surtout les
miracles et les prophéties, lesquels, en montrant abondamment la
toute-puissance et la science infinie de Dieu, sont les signes très-certains de
la révélation divine et appropriés à l'intelligence de tous. C'est pour cela
que Moïse et les Prophètes et surtout le Christ Seigneur lui-même ont fait tant
de miracles et de prophéties d'un si grand éclat ; c'est pour cela qu'il est
dit des apôtres : " Pour eux, s'en étant allés, ils prêchèrent partout
avec la coopération du Seigneur, qui confirmait leurs paroles par les miracles
qui suivaient (Marc XVI, 20). " Et encore : " Nous avons une parole
prophétique certaine, à laquelle vous faites bien de prendre garde, comme à une
lumière qui luit dans un endroit ténébreux (II. Petr. 1, 19). "
Mais encore bien que l'assentiment de la foi ne soit pas un
aveugle mouvement de l'esprit, personne cependant ne peut adhérer à la
révélation évangélique, comme il le faut pour obtenir le salut, sans une
illumination et une inspiration de l'Esprit saint qui fait trouver à tous la
suavité dans le consentement et la croyance à la vérité (Conc. d'Orange II,
can. 7). C'est pourquoi la foi en elle-même, alors même qu'elle n'opère pas par
la charité, est un don de Dieu, et son acte est une œuvre qui se rapporte au
salut, acte par lequel l'homme offre à Dieu lui-même une libre obéissance, en
consentant et en coopérant à sa grâce, à laquelle il pourrait résister.
Or, on doit croire d'une foi divine et catholique tout ce
qui est contenu dans les saintes Écritures et dans la tradition, et tout ce qui
est proposé par l'Église comme vérité divinement révélée, soit par un jugement
solennel, soit par son magistère ordinaire et universel.
Mais, parce qu'il est impossible sans la foi de plaire à
Dieu et d'être compté au nombre de ses enfants, personne ne se trouve justifié
sans elle, et ne parvient à la vie éternelle s'il n'y a persévéré jusqu'à la
fin. Et pour que nous puissions satisfaire au devoir d'embrasser la vraie foi
et d'y demeurer constamment attachés, Dieu, par son Fils unique, a institué
l'Église et l'a pourvue de marques visibles de son institution, afin qu'elle
puisse être reconnue de tous comme la gardienne et la maîtresse de la parole
révélée. Car à l'Église catholique seule appartiennent tous ces caractères si
nombreux et si admirables établis par Dieu pour rendre évidente la crédibilité de
la foi chrétienne. Bien plus, l'Église, par elle-même, avec son admirable
propagation, sa sainteté éminente et son inépuisable fécondité pour tout bien,
avec son unité catholique et son immuable stabilité, est un grand et perpétuel
argument de crédibilité, un témoignage irréfragable de sa mission divine. Et
par là, il se fait que, comme un signe dressé au milieu des nations (Is. XI.
12), elle attire à elle ceux qui n'ont pas encore cru, et elle donne à ses
enfants la certitude que la foi qu'ils professent repose sur un très solide
fondement.
À ce témoignage s'ajoute le secours efficace de la vertu
d'en-haut. Car le Seigneur très-miséricordieux excite et aide par sa grâce les
errants, afin qu'ils puissent arriver à la connaissance de la vérité, et ceux
qu'il a tirés des ténèbres à son admirable lumière, il les confirme par sa
grâce afin qu'ils demeurent dans cette même lumière, n'abandonnant personne, à
moins d'être abandonné. Aussi la condition de ceux qui ont adhéré à la vérité
catholique par le don divin de la foi n'est nullement la même que celle de ceux
qui, conduits par les opinions humaines, suivent une fausse religion ; car ceux
qui ont embrassé la foi sous le ministère de l'Église ne peuvent jamais avoir
un juste motif de l'abandonner et de révoquer en doute cette foi. C'est
pourquoi, rendant grâces à Dieu le Père, qui nous a fait dignes de participer
au sort des saints dans la lumière, ne négligeons pas le salut qui est d'un si
grand prix ; mais plutôt, les yeux attachés sur Jésus, l'auteur et le
consommateur de la foi, gardons le témoignage inébranlable de notre espérance.
CHAPITRE IV. - De la Foi et de
la Raison.
Dans son enseignement qui n'a pas varié l'Église catholique
a tenu et tient aussi qu'il existe deux ordres de connaissances, distincts non
seulement par leur principe, mais encore par leur objet : par leur principe,
attendu que dans l'un nous connaissons par la raison naturelle, dans l'autre
par la foi divine ; par leur objet, parce qu'en dehors des choses auxquelles la
raison naturelle peut atteindre, il y a des mystères cachés en Dieu, proposés à
notre croyance, que nous ne pouvons connaître que par la révélation divine.
C'est pourquoi l'Apôtre, qui atteste que Dieu est connu aux nations par les
choses créées, dit cependant, à propos de la grâce et de la vérité qui a été faite
par Jésus-Christ (Jean, I, 17) : " Nous parlons de la sagesse de Dieu en
mystère, sagesse cachée que Dieu a prédestinée pour notre gloire avant les
siècles, qu'aucun des princes de ce siècle n'a connue, mais que Dieu nous a
révélée par son Esprit : car l'Esprit scrute toutes choses, les profondeurs
même de Dieu (I. Cor. II, 7-9). " Et le Fils unique lui-même rend
témoignage au Père de ce qu'il " a caché ces choses aux sages et aux
prudents et les a révélées aux petits (Math. XI, 25). "
Lorsque la raison, de son côté, éclairée par la foi, cherche
soigneusement, pieusement et prudemment, elle saisit, par un don de Dieu,
quelque intelligence et même très-fructueuse des mystères, tant par l'analogie
des choses qu'elle connaît naturellement, que par le rapport des mystères entre
eux et avec la fin dernière de l'homme ; mais elle ne devient jamais apte à les
percevoir comme les vérités qui constituent son objet propre. Car les mystères
divins surpassent tellement par leur nature l'intelligence créée, que, bien que
transmis par la révélation et reçus par la foi, ils demeurent encore couverts
du voile de la foi elle-même, et comme enveloppés d'une sorte de nuage, tant
que nous voyageons en pèlerins dans cette vie mortelle, hors de Dieu ; "
car nous marchons guidés par la foi et non par la vue (II. Cor. 5. 7). "
Mais quoique la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut
jamais y avoir de véritable désaccord entre la foi et la raison ; car c'est le
même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi, qui a répandu dans
l'esprit humain la lumière de la raison, et Dieu ne peut se nier lui-même, ni
le vrai contredire jamais le vrai. Cette vaine apparence de contradiction vient
principalement ou de ce que les dogmes de la foi n'ont pas été compris et
exposés suivant l'esprit de l'Église, ou de ce que les écarts d'opinion sont
pris pour des jugements de la raison. Nous déclarons donc toute proposition
contraire à une vérité, attestée par la foi, absolument fausse (Concile de
Latran V, Bulle Apostolici regiminis). De plus, l'Église, qui a reçu, avec la
mission apostolique d'enseigner, le mandat de garder le dépôt de la foi, tient
aussi de Dieu le droit et la charge de proscrire la fausse science, afin que
nul ne soit trompé par la philosophie et la vaine sophistique (Coloss. II, 8).
C'est pourquoi tous les chrétiens fidèles non-seulement ne doivent pas défendre
comme des conclusions certaines de la science les opinions qu'on sait être
contraires à la doctrine de la foi, surtout lorsqu'elles ont été réprouvées par
l'Église ; mais encore ils sont obligés de les tenir bien plutôt pour des
erreurs qui se couvrent de l'apparence trompeuse de la vérité.
Et non-seulement la foi et la raison ne peuvent jamais être
en désaccord, mais elles se prêtent aussi un mutuel secours ; la droite raison
démontre les fondements de la foi, et, éclairée par sa lumière, elle cultive la
science des choses divines ; la foi délivre et prémunit la raison des erreurs,
et l'enrichit d'amples connaissances. Bien loin donc que l'Église soit opposée
à l'étude des arts et sciences humaines, elle la favorise et la propage de
mille manières. Car elle n'ignore ni ne méprise les avantages qui en résultent
pour la vie des hommes ; bien plus, elle reconnaît que les sciences et les arts
venus de Dieu, le Maître des sciences, s'ils sont dirigés convenablement,
conduisent à Dieu, avec l'aide de sa grâce ; et elle ne défend pas assurément
que chacune de ces sciences, dans sa sphère, ne se serve de ses propres
principes et de sa méthode particulière ; mais, tout en reconnaissant cette
juste liberté, elle veille avec soin pour les empêcher de tomber dans l'erreur
en se mettant en opposition avec la doctrine divine, ou en dépassant leurs
limites propres pour envahir et troubler ce qui est du domaine de la foi.
Car la doctrine de la foi que Dieu a révélée n'a pas été
livrée comme une invention philosophique aux perfectionnements de l'esprit
humain, mais elle a été transmise comme un dépôt divin à l'Épouse du Christ
pour être fidèlement gardée et infailliblement enseignée. Aussi doit-on
toujours retenir le sens des dogmes sacrés que la sainte Mère Église a
déterminé une fois pour toutes, et ne jamais s'en écarter sous prétexte et au
nom d'une intelligence supérieure de ces dogmes. Croissent donc et se
multiplient abondamment, dans chacun comme dans tous, chez tout homme aussi
bien que dans toute l'Église, durant le cours des âges et des siècles,
l'intelligence, la science et la sagesse ; mais seulement dans le rang qui leur
convient, c'est-à-dire dans l'unité de dogme, de sens et de manière de voir
(Vincent de Lérins, Common. n. 28).
CANONS.
I - De Dieu Créateur de toutes choses.
I. Si quelqu'un nie un seul vrai Dieu, Créateur et maître
des choses visibles et invisibles ; qu'il soit anathème.
II. Si quelqu'un ne rougit pas d'affirmer qu'en dehors de la
matière, il n'existe rien ; qu'il soit anathème.
III. Si quelqu'un dit qu'il n'y a qu'une seule et même
substance ou essence de Dieu et de toutes choses ; qu'il soit anathème.
IV. Si quelqu'un dit que les choses finies, soit
corporelles, soit spirituelles, ou du moins les spirituelles, sont émanées de
la substance divine ; Ou que la divine essence par la manifestation ou
l'évolution d'elle-même devient toutes choses ; Ou enfin que Dieu est l'Être
universel et indéfini qui, en se déterminant lui-même, constitue l'universalité
des choses réparties en genres, espèces et individus ; qu'il soit anathème.
V. Si quelqu'un ne confesse pas que le monde et que toutes
les choses qui y sont contenues soit spirituelles, soit matérielles, ont été,
quant à toute leur substance, extraites du néant par Dieu ; Ou dit que Dieu a
créé, non par sa volonté libre de toute nécessité, mais aussi nécessairement
que nécessairement il s'aime lui-même ; Ou nie que le monde ait été fait pour
la gloire de Dieu ; qu'il soit anathème.
II. - De la Révélation.
I. Si quelqu'un dit que Dieu unique et véritable, notre
Créateur et Maître, ne peut pas être connu avec certitude par la lumière
naturelle de la raison humaine, au moyen des choses qui ont été créées ; qu'il
soit anathème.
II. Si quelqu'un dit qu'il ne peut pas se faire, ou qu'il ne
convient pas que l'homme soit instruit par la révélation divine sur Dieu et sur
le culte qui doit lui être rendu ; qu'il soit anathème.
III. Si quelqu'un dit que l'homme ne peut pas être
divinement élevé à une connaissance et à une perfection qui dépasse sa nature,
mais qu'il peut et doit arriver de lui-même à la possession de toute vérité et
de tout bien par un progrès continu ; qu'il soit anathème.
IV. Si quelqu'un ne reçoit pas dans leur intégrité, avec
toutes leurs parties, comme sacrées et canoniques, les Livres de l'Écriture,
comme le saint concile de Trente les a énumérés, ou nie qu'ils soient
divinement inspirés ; qu'il soit anathème.
III. - De la Foi.
I. Si quelqu'un dit que la raison humaine est indépendante,
de telle sorte que la foi ne peut pas lui être commandée par Dieu ; qu'il soit
anathème.
II. Si quelqu'un dit que la foi divine ne se distingue pas
de la science naturelle de Dieu et des choses morales, et que, par conséquent,
il n'est pas requis pour la foi divine que la vérité révélée soit crue à cause
de l'autorité de Dieu, qui en a fait la révélation ; qu'il soit anathème.
III. Si quelqu'un dit que la révélation divine ne peut
devenir croyable par des signes extérieurs, et que, par conséquent, les hommes
ne peuvent être amenés à la foi que par la seule expérience intérieure de
chacun d'eux, ou par l'inspiration privée ; qu'il soit anathème.
IV. Si quelqu'un dit qu'il ne peut y avoir de miracles, et,
par conséquent, que tous les récits de miracles, même ceux que contient
l'Écriture sainte, doivent être relégués parmi les fables ou les mythes ; ou
que les miracles ne peuvent jamais être connus avec certitude, et que l'origine
divine de la religion chrétienne n'est pas valablement prouvée par eux ; qu'il
soit anathème.
V. Si quelqu'un dit que l'assentiment à la foi chrétienne
n'est pas libre, mais qu'il est produit nécessairement par les arguments de la
raison humaine ; ou que la grâce de Dieu n'est nécessaire que pour la foi
vivante, qui opère par la charité ; qu'il soit anathème.
VI. Si quelqu'un dit que les fidèles et ceux qui ne sont pas
encore parvenus à la foi uniquement vraie sont dans une même situation, de
telle sorte que les catholiques puissent avoir de justes motifs de mettre en
doute la foi qu'ils ont reçue sous le magistère de l'Église, en suspendant leur
assentiment jusqu'à ce qu'ils aient obtenu la démonstration scientifique de la
crédibilité et de la vérité de leur foi ; qu'il soit anathème.
IV. - De la Foi et de la Raison.
I. Si quelqu'un dit que, dans la révélation divine, il n'y a
aucun mystère vrai et proprement dit, mais que tous les dogmes de la foi
peuvent être compris et démontrés par la raison convenablement cultivée, au
moyen des principes naturels ; qu'il soit anathème.
II. Si quelqu'un dit que les sciences humaines doivent être
traitées avec une telle liberté que l'on puisse tenir pour vraies leurs
assertions, quand même elles seraient contraires à la doctrine révélée ; et que
l'Église ne peut les proscrire ; qu'il soit anathème.
III. Si quelqu'un dit qu'il peut se faire qu'on doive
quelquefois, selon le progrès de la science, attribuer aux dogmes proposés par
l'Église un autre sens que celui qu'a entendu et qu'entend l'Église ; qu'il
soit anathème.
C'est pourquoi, remplissant le devoir de Notre charge
pastorale suprême, Nous conjurons par les entrailles de Jésus-Christ tous les
fidèles du Christ, surtout ceux qui sont à leur tête ou qui sont chargés
d'enseigner, et, par l'autorité de ce même Dieu, Notre Sauveur, Nous leur
ordonnons d'apporter tout leur zèle et tous leurs soins à écarter et à éliminer
de la sainte Église ces erreurs et à propager la très-pure lumière de la foi.
Mais, parce que ce n'est pas assez d'éviter le péché
d'hérésie, si l'on ne fuit aussi diligemment les erreurs qui s'en rapprochent
plus ou moins, Nous avertissons tous les chrétiens du devoir qui leur incombe
d'observer les Constitutions et les Décrets par lesquels le Saint-Siège a
proscrit et condamné les opinions perverses de ce genre, qui ne sont pas énumérées
ici tout au long.
Donné à Rome, en session publique solennellement célébrée
dans la basilique Vaticane, l'an de l'Incarnation de Notre-Seigneur mil huit
cent soixante-dixième, le vingt-quatrième jour d'avril, la vingt-quatrième
année de Notre Pontificat.
C'est ainsi
JOSEPH, Évêque de S. Pœlten, Secrétaire du Concile du
Vatican.
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