Cette Encyclique, adressée seulement à l'épiscopat de France, est en date du 21 mars 1853; elle concerne la question des classiques et le rôle de la presse dans les discussions religieuses.
Au milieu des angoisses multipliées dont nous sommes accablé
de toutes parts, à raison de la sollicitude de toutes les églises qui nous a
été commise, malgré notre indignité, par un dessein secret de la divine
Providence, dans ces temps si durs où l'on voit par trop de ceux qui, comme a
prédit l'Apôtre, ne supportent point la saine doctrine, mais, s'amassant des
docteurs favorables à leurs passions, détournent leur ouïe de la vérité, et,
séducteurs, vont de pire en pire, errant eux-mêmes et jetant les autres dans
l'erreur (1) : nous éprouvons la plus grande joie lorsque nous tournons les
yeux et notre esprit vers cette nation française, illustre à tant de titres et
qui a bien mérité de nous. C'est avec une souveraine consolation pour notre
cœur paternel que nous voyons dans cette nation, par la grâce de Dieu, la
religion catholique et sa doctrine salutaire croître de jour en jour, fleurir
et dominer, et avec quel soin et quel zèle, vous, nos bien-aimés Fils et
vénérables Frères, appelés en partage de notre sollicitude, vous vous efforcez
de remplir votre ministère et de veiller à la sûreté et au salut du bien-aimé
troupeau qui vous est confié. Cette consolation est encore singulièrement
augmentée par les lettres si respectueuses que vous nous écrivez et qui nous
font connaître avec quelle piété filiale, avec quel amour, avec quelle ardeur
vous vous glorifiez d'être dévoués à nous et à cette chaire de Pierre, centre
de la vérité catholique et de l'unité, et qui est absolument de toutes les églises
le chef, la mère et la maitresse (2), à laquelle il faut déférer toute obéissance
et tout honneur (3); avec laquelle, à cause de sa plus puissante principauté,
il faut que s'accorde toute église, c'est-à-dire les fidèles qui sont sur tous
les points de la terre (4). Nous n'éprouvons pas une moindre joie à voir que,
vous rappelant sans cesse vos graves fonctions épiscopales et vos devoirs, vous
déployez tous vos soins de pasteurs et toute votre vigilance, afin que les
prêtres de vos diocèses, marchant chaque jour plus dignement dans la vocation
où ils ont été appelés, donnent au peuple l'exemple de toutes les vertus et
accomplissent exactement la charge de leur propre ministère, et afin que les
fidèles qui vous sont confiés, chaque jour nourris plus abondamment des paroles
de la foi et confirmés par l'abondance des grâces, croissent dans la science de
Dieu et s'affermissent dans la voie qui conduit à la vie et afin que les
malheureux qui errent rentrent dans le chemin du salut.
Nous savons, et c'est encore pour notre cœur une douce joie,
avec quel empressement, accueillant nos désirs et nos avis, vous vous appliquez
à tenir des conciles provinciaux, afin de garder intact et pur dans vos
diocèses le dépôt de la foi, afin de transmettre la saine doctrine, d'augmenter
l'honneur du culte divin, de fortifier l'institution et la discipline du
clergé, de promouvoir et d'affermir partout, par un heureux progrès,
l'honnêteté des mœurs, la vertu, la religion, la piété. Nous éprouvons aussi
une bien grande joie de voir que dans la plupart de vos diocèses, où des
circonstances particulières n'y mettaient pas obstacle, la liturgie de l'Église
romaine a été rétablie, selon nos désirs, grâce à votre zèle empressé. Ce
rétablissement nous a été d'autant plus agréable que nous savions que dans
beaucoup de diocèses de France, à cause de la vicissitude des temps, on n'avait
pas gardé ce que notre saint prédécesseur Pie V avait prescrit avec prudence et
sagesse dans les lettres apostoliques du vu des ides de juillet 1568, commençant
ainsi : Quod a nobis postulat.
Mais en vous rappelant toutes ces choses, au grand bonheur
de notre âme et à la louange de votre ordre, bien-aimés Fils et vénérables
Frères, nous ne pouvons néanmoins dissimuler la grande tristesse et la peine
qui nous accable en ce moment, lorsque nous voyons quelles dissensions
l'antique ennemi s'efforce d'exciter parmi vous pour ébranler et affaiblir la
concorde de vos esprits. C'est pourquoi, remplissant le devoir de notre
ministère apostolique, et avec cette profonde charité que nous avons pour vous
et pour ces peuples fidèles, nous vous écrivons ces lettres dans lesquelles
nous nous adressons à vous, bien aimés Fils et vénérables Frères, et en même
temps nous vous avertissons, nous vous exhortons et vous supplions de repousser
avec la vertu qui vous distingue et de faire disparaître entièrement toutes les
dissensions que ce vieil ennemi s'efforce d'exciter, vous rapprochant, vous
serrant dans les liens de la charité, unanimes dans vos sentiments, et vous
efforçant avec toute humilité et douceur de garder en toutes choses l'unité
d'esprit dans le lien de la paix. Par cette sagesse, vous montrerez que chacun
de vous sait combien la concorde sacerdotale et fidèle des esprits, des
volontés et des sentiments est nécessaire, et sert à la prospérité de l'Église
et au salut éternel des hommes. Et si jamais vous avez dû entretenir parmi vous
cette concorde des esprits et des volontés, c'est aujourd'hui surtout que, par
la volonté parfaite de notre très-cher Fils en Jésus-Christ, Napoléon, empereur
des Français, et par les soins de son gouvernement, l'Église catholique jouit
chez vous d'une entière paix, de la tranquillité et d'une véritable protection.
Cet heureux état de choses dans cet empire et la condition des temps doivent
vous exciter plus vivement à vous unir dans le même esprit de conduite, dans
les mêmes moyens, afin que la divine religion de Jésus-Christ, sa doctrine, la
pureté des mœurs, la piété poussent partout en France de profondes racines, que
la jeunesse y trouve plus facilement une meilleure et plus pure éducation, et
que par là soient arrêtées et brisées ces tentatives hostiles qui déjà se
manifestent par les menées de ceux qui furent et sont encore les ennemis
constants de l'Église et de Jésus-Christ.
C'est pourquoi, bien-aimés Fils et vénérables Frères, nous
vous demandons de plus en plus et avec toute l'insistance possible que dans la
cause de l'Église, dans la défense de sa sainte doctrine et de sa liberté, et
dans l'accomplissement de tous les autres devoirs de votre charge épiscopale,
vous n'ayez rien plus à cœur que de montrer entre vous une union complète
d'intelligence, d'avoir les mêmes pensées et les mêmes sentiments, et de
consulter en toute confiance nous et ce Siège apostolique, dans les questions
de tout genre et pour écarter de vous toute espèce de dissentiment.
Et avant tout, comprenez jusqu'à quel point une bonne
direction du clergé intéresse la prospérité de la religion et de la société,
afin que vous ne cessiez pas, dans une parfaite union d'esprit, de porter sur
une affaire de si grande importance vos soins et vos réflexions. Continuez,
comme vous le faites, de ne rien épargner pour que les jeunes clercs soient
formés de bonne heure dans vos séminaires à toute vertu, à la piété, à l'esprit
ecclésiastique, pour qu'ils grandissent dans l'humilité, sans laquelle nous ne
pouvons jamais plaire à Dieu, et pour qu'en même temps ils soient si exactement
instruits, et des lettres humaines, et des sciences plus sévères, surtout des
sciences sacrées, qu'ils puissent, sans être exposés à aucun péril d'erreur,
non-seulement apprendre l'art de parler avec éloquence, d'écrire avec élégance,
en étudiante! les ouvrages si excellents des saints Pères, et les écrits des
écrivains païens, les plus célèbres, après qu'ils auront été complètement
expurgés, mais encore acquérir surtout la science parfaite et solide des
doctrines théologiques, de l'histoire ecclésiastique et des sacrés canons,
puisée dans des auteurs dont les ouvrages sont conformes à l'esprit du
Saint-Siège apostolique. Ainsi cet illustre clergé de France, où brillent tant
d'hommes distingués par leur génie, leur piété, leur science, leur esprit
ecclésiastique, et leur respectueuse soumission au Siège apostolique, abondera
de plus en plus en ouvriers courageux et habiles, qui, ornés de toutes les
vertus, fortifiés parle secours d'une science salutaire, pourront dans le temps
vous aider à cultiver la vigne du Seigneur, répondre aux contradicteurs et
non-seulement affermir les fidèles de France dans notre très-sainte religion,
mais encore propager cette religion dans de saintes expéditions chez les
nations lointaines et infidèles, comme ce même clergé l'a fait jusqu'ici, à la
grande gloire de son nom, pour le bien de la religion et pour le salut des
âmes.
Vous êtes comme nous pénétrés de douleur à la vue de tant de
livres, de libelles, de brochures, de journaux empoisonnés que répand sans
relâche de toutes parts et avec fureur l'ennemi de Dieu et des hommes, pour
corrompre les mœurs et renverser les fondements de la foi, et ruiner tous les
dogmes de notre très-sainte religion ; ne cessez donc jamais, bien-aimés Fil»
et vénérables Frères, d'employer toute votre sollicitude et toute votre
vigilance épiscopale pour éloigner unanimement, avec le plus grand zèle, le
troupeau confié à vos soins de ces pâturages pestilentiels; ne cessez jamais de
l'instruire, de le défendre, de le fortifier contre cet amas d'erreurs, par des
avertissements et par des écrits opportuns et salutaires. El ici nous ne
pouvons nous empêcher de vous rappeler les avis et les conseils par lesquels,
il y a quatre ans, nous excitions ardemment les évêques de tout l'univers
catholique à ne rien négliger pour engager les hommes remarquables par le
talent et la saine doctrine à publier des écrits propres à éclairer les esprits
et à dissiper les ténèbres des erreurs en vogue. C'est pourquoi, en vous
efforçant d'éloigner des fidèles commis à votre sollicitude le poison mortel
des mauvais livres et des mauvais journaux, veuillez aussi, nous vous le
demandons avec instance, soutenir par toute votre bienveillance et toute votre
prédilection, les hommes qui, animés de l'esprit catholique et versés dans les
lettres et dans les sciences, consacrent leurs veilles à écrire des livres et
des journaux pour que la doctrine catholique soit propagée et défendue, pour
que les droits vénérables de ce Saint-Siège et ses actes aient toute leur
force, pour que les opinions et les sentiments contraires à ce Saint-Siège et à
son autorité disparaissent, pour que l'obscurité des erreurs soit dissipée et
que les intelligences soient inondées de la douce lumière de la vérité. Il sera
donc de votre sollicitude et de votre charité épiscopale, d'exciter ces hommes
catholiques animés d'un bon esprit pour qu'ils continuent toujours plus
ardemment a défendre la cause de la vérité catholique avec zèle et justesse ;
il sera aussi de votre sollicitude et de votre charité épiscopale de les
avertir prudemment avec des paroles paternelles, si, dans leurs écrits, il leur
arrive de manquer en quelque chose.
Au surplus, votre sagesse n'ignore pas que tous les ennemis
les plus acharnés de la religion catholique ont toujours fait, quoique
vainement, la guerre la plus violente contre cette Chaire du bienheureux Prince
des apôtres, sachant fort bien que la religion elle-même ne pourra jamais ni
tomber ni chanceler, tant que demeurera debout cette Chaire qui est fondée sur la
pierre, que les portes superbes de l'enfer ne vaincront point (5) et dans
laquelle est l'entière et la parfaite solidité de la religion chrétienne (6).
C'est pourquoi, Fils bien-aimés et vénérables Frères, nous vous le demandons de
tout notre pouvoir, conformément à la grandeur de la foi que vous avez dans
l'Église et à l'ardeur de votre piété pour cette chaire de Pierre, ne cessez
jamais d'appliquer d'un seul cœur et d'un seul esprit tous vos soins, toute
votre vigilance, tous vos travaux a ce point surtout; de sorte que les
populations fidèles de la France, évitant les erreurs et les pièges que leur
tendent des hommes perfides, se fussent gloire d'adhérer fermement et avec
constance à ce Siège apostolique par un amour et un dévouement chaque jour plus
filial, et de lui obéir, comme il est juste, avec le plus grand respect. Dans
toute l'ardeur de votre vigilance épiscopale, ne négligez donc jamais rien, ni
en actions ni en paroles, afin de redoubler de plus en plus l'amour et la
vénération des fidèles pour ce Saint-Siège, et afin qu'ils reçoivent et qu'ils
accomplissent avec la plus parfaite obéissance tout ce que ce Saint-Siège
enseigne, établit et décrète.
Ici nous ne pouvons nous empêcher de vous exprimer la
douleur profonde dont nous avons été affecté lorsque, parmi d'autres mauvais
écrits dernièrement publiés en France, il nous est parvenu un libelle imprimé
en français, et édité à Paris, avec ce titre : « Sur la situation présente de
l'Église gallicane, relativement au droit coutumier, » dont l'auteur contredit
de la manière la plus manifeste ce que nous vous recommandons et inculquons
avec tant de sollicitude. Nous avons adressé ce libelle à notre congrégation de
l'Index, afin qu'elle le réprouve et le condamne.
Avant de terminer cette lettre, bien-aimés Fils et
vénérables Frères, nous vous exprimons de nouveau combien nous désirons que
vous rejetiez toutes ces discussions et toutes ces controverses, qui, vous le
savez, troublent la paix, blessent la charité, fournissent aux ennemis de
l'Église des armes avec lesquelles ils la tourmentent et la combattent. Ayez
donc surtout à cœur de garder la paix entre vous et de la maintenir entre tous,
vous rappelant sérieusement que vous remplissez une mission au nom de celui qui
n'est pas un Dieu de dissension, mais un Dieu de paix; qui n'a jamais cessé de
recommander et d'ordonner à ses disciples la paix, et de la mettre au-dessus de
tout. Et en vérité, le Christ, comme chacun de vous le sait, a mis tous les
dons et les récompenses de sa promesse dans la conservation de la paix. Si nous
sommes héritiers du Christ, demeurons dans la paix du Christ ; si nous sommes
enfants de Dieu, nous devons être pacifiques. Les enfants de Dieu doivent être
pacifiques, doux de cœur, simples dans leur parole, unis d'affection,
fidèlement attachés entre eux par les liens de la concorde (7).
La connaissance et l'assurance que nous avons de votre
vertu, de votre religion et de votre piété ne nous permettent pas de douter que
vous, bien-aimés Fils et vénérables Frères, vous n'acquiesciez de tout cœur à
ces paternels avis, à ces désirs et à ces demandes que nous vous adressons; que
vous ne vouliez détruire jusqu'à la racine tous les germes de dissension et
combler ainsi notre joie, vous supportant les uns les autres en charité et avec
patience, unis et travaillant encore avec accord à la foi de l'Évangile,
continuant avec un zèle toujours plus vif à faire sentinelle auprès du troupeau
confié à votre sollicitude, accomplissant avec soin toutes les fonctions de
votre lourde charge, pour la consommation des saints en l'édification du corps
de Jésus-Christ. Soyez bien persuadés que rien ne nous est plus agréable ni
plus à cœur que de faire ce que nous saurons pouvoir servir à votre avantage et
à celui des fidèles. Néanmoins, dans l'humiliation de notre cœur, nous prions
Dieu et nous lui demandons de répandre toujours sur vous avec faveur
l'abondance des grâces célestes, de bénir votre travail et vos soins de pasteurs,
afin que les fidèles confiés à votre vigilance marchent de plus en plus
agréables à Dieu en toutes choses, fructifiant chaque jour en toutes sortes de
bonnes œuvres. En présage de cette divine protection et en témoignage de
l'ardente charité avec laquelle nous vous embrassons dans le Seigneur, nous
vous donnons avec amour et du fond du cœur la bénédiction apostolique à vous,
nos chers Fils et vénérables Frères, à tout le clergé et aux fidèles laïques de
vos églises.
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 21 mars 1853, de
notre pontifical le septième.
Pie IX, Pape.
(1)Epist.
2, ad Timoth., cap 4, v. 3 et 4, cap. 3, v.13.
(2) S.
Cyprian., epist 45. S. August., epist. 162, et alias.
(3) Concil,
ephes., act.4
(4) S. Irénée, Adv. Hæres.,
1. 3, c.3
(5)S.
August, in psalmos contr. Part. Donat
(6) Litt. Synod.
Joann. Constantinop. Ad Hormisd. Pontif.
(7) S. Cyprian, de
Unit Eccles.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire