TRENTIÈME INSTRUCTION
L’AUMÔNE
«Vendez tout ce que vous avez et donnez
l’aumône; faitesvous des bourses que le temps n’use pas, un trésor inépuisable
dans les cieux, où les voleurs n’ont point d’accès et où les mites ne rongent
pas. Car là où est votre trésor là est
votre coeur.»
Luc. 12-33.
Plan Remarque (le
surnaturel (la gloire de Dieu Son fondement… (le souverain domaine de Dieu (la
folie de la croix (elle est l’amour de Dieu Son excellence… (elle est la
pratique de l’Évangile (elle est une source de bénédictions (la morale: le
superflu Sa mesure selon… (l’Écriture: la dîme (l’amour de Dieu: sans mesure.
REMARQUE
Nous sommes arrivés
aux subdivisions de la quatrième vérité fondamentale: la folie de la
croix. C’est elle qui met Dieu en
possession de sa gloire qui est la fin de la création. Nous avons beau comprendre le plan de Dieu
pour avoir sa gloire et notre salut, comme nous l’avons appris jusqu’à présent,
si nous conservons notre amour pour les choses créées, nous n’aimons pas Dieu
assez pour être sauvés. Pour mettre Dieu
dans notre coeur, il faut le vider de l’affection que nous avons par nature
pour le créé. Le seul moyen pratique est
de les rejeter de fait en autant que nous le pouvons avec la grâce de
Dieu. Or il y a trois sortes de biens
créés: les biens extérieurs ou la richesse que nous sacrifions par l’aumône;
les biens du corps que l’on sème par la mortification et les biens de l’âme que
l’on sème par les afflictions. Enfin
tout notre être que nous semons par la mort.
Voilà les quatre instructions qui nous restent à faire pour finir notre
plan de retraite. Trop de retraitants
sont retournés chez eux avec la joie d’avoir compris une foule de vérités dans
notre plan, mais ils ont oublié la pratique de ces dernières instructions; ils
n’ont pas fait assez de réels sacrifices tout de suite; ils n’ont pas vidé leur
coeur de l’affection de certains plaisirs qu’ils auraient dû et pu sacrifier
pour l’amour de Dieu. Alors le St Esprit
n’a pas trouvé de place dans ce caravansérail plein de rivales à son amour et
les idées de la retraite se sont envolées avec la fumée de leurs cigarettes et
en peu de temps il ne restait que le souvenir d’avoir fait la retraite, mais
rien n’était changé dans leur vie. Celui
qui ne pratique pas sa doctrine surnaturelle la perd infailliblement. C’est une vie qu’il faut vivre pour la
garder. C’est donc par la pratique de
ces dernières instructions qu’on assure la persévérance des idées des premières
instructions. Les dernières sont la
sauvegarde des premières. C’est en
proportion qu’on se dépouille de fait des choses créées que le Créateur prendra
leur place dans notre coeur pour nous les faire vivre de mieux en mieux. Mettons-nous-y donc sérieusement; faisons le
peu que nous pouvons et demandons la grâce d’en faire plus avec le temps. Un des plus grands défauts des prêtres est de
se contenter de prêcher la doctrine sans s’occuper de voir si les fidèles vont
la pratiquer. Évidemment aussi c’est
parce que la plupart d’entre eux se contentent de leur science abstraite sans
la pratique; ils ne peuvent pas être plus exigeants pour les autres. Est-ce que N.S. s’est contenté de donner la science de la
folie de la Croix? Non, il a été
lui-même crucifié sur la croix. Ainsi il
est bon de savoir que les créatures sont les rivales de Dieu à notre affection
comme nous l’avons vu dans les premières instructions, mais c’est
incomparablement mieux de vider son coeur de cette affection pour y laisser la
place toute à Dieu. Voilà donc ce que
nous voulons faire dans ces dernières instructions en commençant par l’aumône
qui nous dépouille des biens extérieurs.
Son fondement se
trouve dans les quatre vérités fondamentales déjà données. On ferait bien de les prendre comme bases
pour développer les vertus. Ils nous
fournissent de très bonnes idées sur chaque vertu expliquée en fonction de ces
quatre principales. le surnaturel est le
monde de Dieu et maintenant le nôtre aussi par vocation spéciale de la bonté
divine qui veut nous faire participer à son bonheur divin au sein de la
Trinité. Nous entrons dans ce monde par
le baptême qui nous confère la grâce sanctifiante ou une participation créée à
la nature divine qui suffit pour nous élever au rang des enfants de Dieu et
nous faire héritiers du ciel avec J-C.
C’est le fondement de la doctrine du corps mystique de J-C. qui nous fait ses membres mystiques, ayant la
même vie divine que lui et la même destinée surnaturelle; nous sommes donc tous
frères dans la foi et le surnaturel.
L’aumône prend alors une toute autre signification; on ne donne pas à
des étrangers, mais à des frères, à des membres du même corps mystique que
nous, nous ne perdons rien en donnant.
C’est comme si je prenais un $5.00 de ma main droite pour le mettre dans
la main gauche; je ne perds rien. Je me
fais du bien à moi-même. Quand je fais
l’aumône, je donne à Dieu même; je suis donc gagnant à tout point de vue dans
le surnaturel. Ne prenons pas 50 ans
pour comprendre cela et l’accepter de plein coeur et surtout pour le
pratiquer! Dieu insiste sur l’aumône
dans l’Ancien Testament et encore plus dans le Nouveau. Deut.
15-9: «S’il y a chez toi un pauvre d’entre tes frères dans l’une de tes
portes, au pays que Yahveh ton Dieu te donne, tu n’endurciras pas ton coeur et
ne fermeras pas ta main à ton frère pauvre, mais tu lui ouvriras ta main et tu
lui prêteras de quoi pour voir à ses besoins selon ce qui lui manque, tu dois lui
donner et en lui donnant que ton coeur n’ait pas de regret, car, à cause de
cela, Jéhovah ton Dieu te bénira dans tes travaux et dans toutes tes
entreprises. Il ne manquera jamais de
pauvre au milieu du pays; c’est pourquoi je te donne ce commandement: Tu
ouvriras ta main à ton frère, à l’indigent et au pauvre dans ton pays!»
Aussi les Juifs sont
un bel exemple pour les chrétiens; ils sont très généreux envers les pauvres
partout où ils sont. Quand nos gens
seront surnaturels eux aussi seront généreux pour l’amour de Dieu. Voici un texte terrible pour ceux qui
méprisent le pauvre: Eccl., 4-4: «Mon fils, ne prive pas le pauvre de sa
subsistance; ne fait pas attendre les yeux de l’indigent, n’afflige pas l’âme
de celui qui a faim et n’aigris pas l’homme indigent dans sa détresse… et ne
lui donne pas occasion de te maudire; car s’il te maudit dans l’amertume de son
âme, celui qui l’a fait écoutera sa prière!» N.S. montre qu’un grand nombre seront damnés parce
qu’ils n’ont pas fait l’aumône. En
Mt. 25-45, Jésus dit qu’il fera le
jugement dernier sur ce point. Il dira à
ceux qui sont à sa gauche: «Allez, maudits, au feu éternel de l’enfer… car j’ai
eu faim… etc.» Donner aux pauvres, c’est donc donner à Jésus en personne. C’est lui-même qui dit cela. On voit aussi que celui qui refuse une
beurrée à un pauvre prend le chemin de l’enfer; c’est un premier pas. Les damnés sont en enfer pour chaque fois
qu’ils ont refusé à un pauvre. Cela ne
veut pas dire que c’était mortel la première fois, mais c’était un pas vers
l’enfer; celui qui refuse une fois à Jésus dans un pauvre refusera bien souvent
par ce même manque de foi et de charité.
1 Jn. 3-17: «Si quelqu’un possède les biens de ce
monde et que voyant son frère dans la nécessité, il lui ferme ses entrailles,
comment l’amour de Dieu demeurera-t-il en lui?» Ailleurs St Jean dit: «Celui
qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit
pas?» Il faut la même foi pour les deux et Dieu veut les deux! Il faut aimer Dieu et son prochain pour
l’amour de Dieu. Act. 4-33: «Il n’y avait aucun pauvre parmi eux
parce que tous ceux qui avaient des terres et des maisons les vendaient et en
apportaient le prix qu’ils déposaient aux pieds des Apôtres et ils
distribuaient ensuite selon que chacun avait besoin.» Ce texte prouve que les
Apôtres prêchaient non seulement la nécessité de faire l’aumône, mais aussi
celle de se détacher même des biens permis… ce que les prêtres n’osent plus
faire de nos jours. Ils ne prêchent que
la nécessité de sacrifier les biens défendus, ce qui n’est que du pur
paganisme. Nous n’avons pas plus le
droit de nous attacher aux biens permis qu’aux défendus. La Didaché, ou le catéchisme des douze
Apôtres qui circulait au premier siècle parmi les chrétiens dit: «Si nous venons
en partage pour les biens célestes, à plus forte raison pour les biens
périssables.» La lettre à Barnabé contient la même idée: «Soyez en communauté
de biens avec le prochain et ne vous attribuez rien en propre. Car si vous partagez les mêmes droits sur les
biens célestes et incorruptibles, à plus forte raison sur les biens terrestres
et corruptibles.» Lucien, le païen, rend un bon témoignage à la doctrine
chrétienne: «C’est quelque chose d’incroyable que l’empressement avec lequel
les gens de cette religion s’assistent dans leurs besoins. Ils n’épargnent rien en pareil cas. Pérégrinus profita bien de leurs largesses
qui lui fournirent de quoi faire de gros revenus. Leur premier législateur leur a mis dans la
tête qu’ils sont tous frères.» Voilà un des meilleurs motifs à donner: nous
sommes tous frères en J-C. Voilà ce que
tout chrétien devrait savoir sur le bout de ses doigts comme nous disons. Les parents devraient enseigner à leurs
enfants à partager les bonnes choses qu’ils ont, comme les bonbons, leurs
jouets, etc., avec les autres enfants pour ce motif surnaturel. Combien font tout le contraire: ils leur
enseignent à être avares: Garde-le pour toi!
Surtout, qu’ils les accoutument à aller porter des bonnes choses aux
familles pauvres autour d’eux afin de les surnaturaliser davantage. La gloire de dieu est procurée par l’aumône
au moins de deux manières: elle nous fait imiter Dieu qui donne constamment et
elle est un bon exercice de présence divine dans le prochain. Un des caractères essentiels de Dieu est de
donner: dans son essence divine, le Père s’est tout donné à son Fils et les
deux au St Esprit. Au dehors Dieu a
donné son Fils unique au monde pour nous racheter et ce don n’était que le
prélude des dons célestes qu’il nous fait et nous fera au ciel à cause de la
rédemption par J-C. Enfin toute la
création est donnée à l’homme.
Puisque l’homme est
destiné à vivre la vie de Dieu au ciel, il est glorieux pour Dieu de voir ses
enfants adoptifs agir comme lui en autant qu’ils peuvent par les aumônes qu’ils
font à leurs frères. Au ciel les élus
méprisent les biens terrestres pour n’aimer que les célestes; ceux qui sont
généreux sur terre imitent donc leurs frères célestes: ils se montrent dignes
d’aller les rejoindre un jour. Exemple:
Un cultivateur aime à voir son jeune fils le suivre aux champs pour l’imiter en
semant comme son père. Si l’enfant
revenait à son père pour remplir son petit sas quand il en a encore, il lui
donnerait la première fois, mais il lui dirait vite de le vider complètement
avant de revenir en chercher d’autre.
C’est ce que Dieu veut de nous, il veut que nous vidions nos poches, nos
coffres… et il les remplira! Plusieurs
aiment à garder un gratin pour des cas de nécessité; Dieu n’aime pas cela. Est-ce qu’une mère est portée à donner de la
nourriture à son enfant quand il en a encore dans son assiette? Pas ordinairement. Qu’on en fasse l’expérience et l’on verra par
soi-même ce que Dieu pense de cette façon de faire.
C’est un exercice de
présence de Dieu dans le prochain. Dieu
tient tellement à ce que nous le voyions dans le prochain qu’il a disposé sa
Providence pour que nous ayons tous besoin les uns des autres. Par exemple, Dieu me donne $1000.00 de trop
pour moi et pas assez à mon voisin. Il
pourrait aussi facilement nous donner à chacun $500.00 et chacun resterait chez
soi sans s’occuper de son prochain. Mais
quand je sais que mon prochain n’a pas assez d’argent pour vivre et que j’en ai
trop, Dieu veut que je sois son commissionnaire et que j’aille porter de mon
argent à mon voisin pour l’amour de Dieu et en voyant Dieu. Il me donne donc une chance de l’imiter en
donnant et une chance d’exercer ma foi en voyant Dieu dans mon voisin pauvre. De son côté mon voisin pauvre doit voir le
bon Dieu en moi qui lui donne de mon superflu et qu’il ne soit pas humilié pour
cela, mais qu’il voit là une occasion pour lui d’aimer plus pour l’amour de
Dieu. Cette action réciproque de voir
Dieu dans le bienfaiteur et dans le bénéficiaire sont des actes de foi très
agréables à Dieu et glorieux pour lui, comme les actes de reconnaissance que
chacun doit offrir à Dieu, l’un pour les biens qu’il a reçus directement pour
ainsi dire et l’autre pour ce qu’il a reçu de Dieu aussi indirectement. C’est donc pour sa gloire que Dieu veut
l’aumône.
le souverain domaine
de dieu est le contrôle que Dieu exerce sur toute la création parce qu’elle lui
appartient en propre en étant le Créateur.
Nous ne sommes donc que les administrateurs des biens qu’il nous prête. Les conséquences pratiques sont très
importantes. En voici quelques-unes
qu’on trouve surtout en St Jean Xtone, celui qui aimait profondément les
pauvres et en a le mieux parlé. Il a des
idées merveilleuses à leur sujet. Quel
dommage que les sociologues ne puisent plus dans ces trésors merveilleux pour
régler la question des relations entre les riches et les pauvres pour tous les
temps et tous les pays. «Les pauvres ont
droit au superflu des riches qui sont tenus de le donner aux pauvres. Quand les percepteurs des droits du roi
viennent collecter leurs taxes, est-ce qu’ils mettent un genou en terre pour
vous supplier pour l’amour de Dieu de les payer? Pas du tout!
Et si vous trouvez que c’est trop ou que vous n’avez pas d’argent, ils
vous menacent de confisquer vos biens et de vous jeter dehors. Aussi vous prenez bien soin d’avoir l’argent
et vous vous exécutez tout de suite. Eh
bien! les pauvres sont les percepteurs
des droits de Dieu et si vous les faites attendre, ils peuvent vous menacer des
foudres de Dieu le maître, qui les envoie collecter ses droits… et Dieu dit
qu’il les exaucera!…
Les pauvres sont la
richesse des riches! En effet, le pauvre
est comme une terre à ensemencer que Dieu offre au riche; en proportion qu’il
sème là, il récoltera devant Dieu. Comme
les cultivateurs sont contents d’avoir plusieurs terres; que tout chrétien soit
content aussi d’avoir beaucoup de pauvres autour de lui! C’est par eux seuls qu’il aura son centuple
en cette vie et le ciel après cette vie.
St Frs de Sales, 35ème lettre, écrit: «Si ce que vous jetez
en terre, vous est rendu avec usure par la fertilité, sachez que ce que vous
jetez dans le sein de Dieu, vous sera infiniment plus fructueux d’une façon ou
d’une autre: c’est-à-dire, Dieu vous en récompensera en ce monde ou en vous
donnant plus de richesses, ou plus de santé ou plus de bonheur».
Les pauvres sont le
ciel des riches! Voici la plus belle
idée que je connaisse au sujet des pauvres.
Que tous les prêtres la répandent le plus possible! Les riches ont été créés pour donner la vie
temporelle aux pauvres, tandis que les pauvres ont été créés pour donner la vie
éternelle aux riches. La fonction des
pauvres est donc incomparablement supérieure à celle des riches. Car les riches seront sauvés par les pauvres
qu’ils auront soulagés. Jésus le dit
explicitement: «Faites-vous donc des amis avec l’argent d’iniquité, afin que
lorsque vous mourrez ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels! La conclusion est que c’est aux riches
d’aller quérir leur ciel auprès des pauvres.
Qu’ils se servent de leurs belles voitures pour chercher les pauvres,
qui n’ont pas ces facilités pour aller voir les riches. Qu’ils leur portent à domicile leurs
offrandes comme à des grands seigneurs dont ils espèrent partager un jour les
somptueuses demeures éternelles! Si le
pauvre refuse, que le riche mette un genou à terre et qu’il le prie au nom de
Dieu de vouloir bien prendre son aumône afin qu’il ait une chance d’être avec
lui un jour au ciel! St Jean Chrysostome
est logique. On devrait aller jusque là
si on est conséquent avec sa foi.
Quelle doctrine
consolante pour les pauvres, mais terrible pour les riches! Qu’on la donne à tous les fidèles! St J.
Chrysostome,
Rom. 12, hom. 21, no.
3: «Il nous enseigne que nous ne devons pas attendre que ceux qui ont
besoin de nous viennent nous trouver, c’est nous qui devons courir après eux et
les poursuivre! Ce que fit Abraham, qui
à la vue de l’étranger s’élançait à sa rencontre et se prosternait devant lui
et s’abaissait jusqu’à terre, il lui disait: Seigneur si j’ai trouvé grâce
devant vos yeux, ne passez pas la maison de votre serviteur (Gen. 18).
Nous ne faisons pas de même à la vue d’un étranger ou d’un pauvre, nous
fronçons les sourcils, nous ne le croyons pas même digne de notre entretien et
si des milliers de supplications sont parvenues à nous attendrir, nous
ordonnons à nos serviteurs de donner un peu d’argent et nous pensons avoir
accompli le devoir dans sa perfection.
Doit-on donner aux
imposteurs? St J. Chrys.
l’affirme sans hésitation.
Lorsque nous étions nous-mêmes imposteurs, est-ce que le Père éternel ne
nous a pas donné tout ce qu’il avait de meilleur au ciel, son Fils unique? Est-ce qu’il ne continue pas encore de donner
aux pécheurs de toutes sortes? Si nous
voulons ressembler à notre Père céleste, il nous faut donc donner aussi aux
imposteurs. Que penser de ceux qui
questionnent les pauvres pour découvrir quelque supercherie? St J.
Chrys. dit: Dieu ne met pas les
pauvres sur le chemin des riches pour leur faire passer des examens de
conscience, mais pour que les riches les soulagent de leurs misères. Quand une femme glisse sur la glace et tombe
sur le trottoir, est-ce qu’on lui demande si elle est en état de grâce avant de
la relever? Si Dieu exigeait une conscience
immaculée pour nous donner à manger combien parmi nous auraient droit à leur
souper? «Mais ce pauvre, me direz-vous,
invente tous les jours cent mensonges.
Voilà précisément ce qui le rend plus digne de compassion. La nécessité où il est réduit le jette dans
cette extrémité et lui fait perdre la honte, après avoir perdu tout le
reste. Cependant non seulement nous ne
sommes pas touchés de cette misère, mais nous leur disons des paroles
outrageantes. Ne t’ai-je pas donné
hier? ou encore avant-hier? Quoi, mes frères, ce pauvre pour avoir vécu
hier et avant-hier, ne doit-il pas vivre aujourd’hui?
Vous imposez-vous
cette loi à vous-mêmes? Vous ditesvous:
J’ai bien mangé hier, j’ai bien mangé avant-hier, je ne mangerai donc pas
aujourd’hui!… Si vous n’êtes pas sensible à son état, vous devriez l’être au
moins à cette dure nécessité qui l’oblige d’essuyer tous vos reproches et de
perdre la honte en vous importunant encore parce que la misère le presse et
l’accable… il vient à vous comme un homme qui fait naufrage, il vous tend les
mains. Et au lieu de lui servir de port
et d’asile, vous le rejetez dans la mer et dans la tempête. Pourquoi lui reprochez-vous l’état où il est? Croyez-vous qu’il se fut jamais adressé à
vous, s’il en eut attendu ce traitement?» Le saint dit encore que c’est une
honte que les riches obligent les pauvres à user de ruses pour avoir leurs
dus. Ils sont obligés de simuler toutes
sortes d’infirmités avec des douleurs terribles pour apitoyer les riches comme
de s’attacher l’avant-bras sur l’autre partie pour faire croire qu’ils sont
manchots, ou la jambe sur la cuisse, etc… Si les riches faisaient leur devoir,
les pauvres ne seraient pas réduits à ces mesures extrêmes pour toucher les
riches. Le riche qui voyage ne porte pas
avec lui les beaux meubles qu’il achète en cours de route; il les envoie porter
à son palais où il doit demeurer à son retour.
Eh bien! nous sommes des pèlerins
qui cheminons vers le ciel, notre vraie patrie; envoyons là, par les pauvres
nos porteurs, tous les biens que nous voulons retrouver au ciel! Voilà un bon fondement de l’aumône!
Tout
de même on peut user de prudence. Le
catéchisme des Apôtres dit: Que ton aumône transpire dans ta main; sache à qui
tu donnes. Et St Paul dit que le
paresseux ne mérite pas de manger. On
peut donc user d’un peu de prudence.
Mais tous les avares sautent sur ces textes pour ne rien donner. C’est une erreur. Voici ce qu’on peut dire: On doit refuser
l’aumône quand on va s’en servir pour offenser Dieu, ou pour entretenir des
habitudes de gourmandise et de luxe.
Mais quand par exemple, un ivrogne demande à manger, on doit lui donner;
donc après leur péché. On peut faire la
leçon parfois, mais combien vont en abuser et passer toute leur vie à donner
des leçons aux pauvres! Je ne voudrais
pas être à la place de ce professeur de prudence devant Dieu. Est-ce que Dieu nous a refusé à manger après
nos péchés? Nous n’avons pas le droit de
le faire non plus… Après tout c’est le bon Dieu qui a créé ces paresseux et ces
sans-dessein comme les infirmes et les malades.
Ce n’est pas plus difficile pour Dieu de donner un petit esprit ou un
petit coeur de poule à un homme que de le faire manchot ou boiteux. Quand même ce coeur minuscule est dans un
grand corps, comme c’est le coeur qui fait tout marcher, ce gros homme fatigue
comme un enfant. À qui la faute? À celui qui l’a créé ainsi. De même que quand Dieu veut que quelqu’un
soit pauvre, il lui donne tout ce qu’il faut
pour
cela; il suffira d’un manque insignifiant quelque part, comme manque de
prévoyance ou de jugement ou d’intelligence pratique ou pas de chance malgré
toutes ses bonnes qualités, etc. Dieu ne
dit pas qu’il punira les riches qui ont méprisé les bons pauvres, les pauvres
intelligents, etc.; aucune distinction: les pauvres! Donc personne n’a le droit d’en faire puisque
Dieu n’en fait pas. Puisqu’il nous
commande de faire du bien à nos ennemis, à plus forte raison à tous les pauvres
sans distinction. Jésus veut que nous
agissions exactement comme son Père qui fait lever son soleil sur les bons et
les méchants… et l’on pourrait ajouter sur les bons pauvres et les mauvais
pauvres, sur les pauvres intelligents comme sur les pauvres imbéciles.
Cette question des
pauvres est extrêmement importante pour les riches car c’est là leur salut en
général! Ce n’est pas pour rien que Dieu
a mis ces terres ambulantes autour des riches; c’est pour qu’ils s’en servent
pour semer afin de récolter dans le ciel.
Voilà les questions que tous les sociologues devraient connaître et
répandre dans le monde pour améliorer les conditions des pauvres et conserver
la fortune aux riches!
La folie de la croix
est un autre bon fondement de l’aumône, car elle enseigne à semer pour
récolter, donc à donner du terrestre pour récolter du céleste; de l’humain pour
récolter du divin et enfin du temporel pour récolter de l’éternel. Comme c’est tout le fond de notre retraite,
c’est inutile d’insister davantage. Il
suffira de citer encore une fois St Jean Chrys.
8ème homélie contre Amonéens: «Les pauvres donnent plutôt
qu’ils ne reçoivent. Regardez donc
l’aumône non comme une perte, mais comme un gain; non comme une dépense mais
comme un prêt avantageux. Vous recevez
plus que vous ne donnez. Vous donnez du
pain et vous recevez la vie éternelle, vous donnez un habit et vous recevez un
vêtement d’immortalité; vous donnez un abri sous votre toit et vous recevez le
royaume des cieux; vous distribuez des richesses périssables et vous recueillez
des biens éternels.»
Son excellence Elle
est l’amour de Dieu. Le plan divin nous
met en demeure de choisir entre les créatures et Dieu. Jésus dit que nous ne pouvons pas aimer les
deux; que nous aimerons l’un et haïrons l’autre ou vice versa. L’homme montre donc son amour pour Dieu en se
dépouillant des créatures, ce qu’il fait par l’aumône. St Paul, 2 Cor. 9-0, dit que Jésus de riche qu’il était s’est
fait pauvre pour l’amour de nous. Si
donc Jésus montre son amour pour nous en quittant ses richesses pour devenir
semblable à nous, pauvre, nous aussi nous montrerons notre amour pour lui en
abandonnant nos biens pour préférer les biens célestes. L’amour met tout en commun; donc notre amour
pour Dieu doit vouloir ses biens célestes dont nous jouirons éternellement avec
Dieu au ciel. Elle est la pratique de
l’Évangile, comme St Paul le dit, 2 Cor.
0-13: «À cause de la vertu éprouvée que cette offrande montre en vous,
ils glorifient Dieu de votre obéissance dans la profession de l’Évangile du
Christ.» Comme le renoncement aux créatures fait le fond de l’Évangile, c’est
inutile d’insister davantage. Elle est
une source de bénédictions, comme l’Écriture l’enseigne dans une foule de
textes dont voici quelques-uns: Tobie, 12-8: La prière est bonne avec le jeûne,
et l’aumône vaut mieux que les trésors et l’or.
Car l’aumône délivre de la mort et c’est elle qui efface les péchés et
qui fait trouver la miséricorde et la vie éternelle.»
Ps. 40: «Heureux celui qui prend souci du
pauvre! Au jour du malheur Yahveh le
délivrera. Yahveh le gardera et le fera
vivre; il sera heureux sur la terre et tu ne le livreras pas au désir de ses
ennemis. Yahveh l’assistera sur son lit
de douleur.» Is. 58: «Le jeûne ne
consiste-t-il pas à rompre ton pain avec celui qui a faim, à recueillir chez
toi les malheureux sans asile; si tu vois un homme nu, à le couvrir, à ne point
te détourner de ta propre chair? Alors ta
lumière poindra comme l’aurore et ta guérison germera promptement; ta justice
marchera devant toi; la gloire de Yahveh sera ton arrière-garde. Alors tu appelleras Yahveh et il répondra: tu
crieras et il dira: Me voici!» Enfin Jésus dira au jugement dernier: «Venez les
bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé depuis le
commencement du monde, car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu
soif et vous m’avez donné à boire, etc.» L’aumône donne donc le ciel!
Sa mesure selon la
morale on doit donner son superflu.
C’est évident en théorie mais en pratique il est difficile de déterminer
ce superflu. Que d’éléments entrent en
jeu pour le juger! Il est facile de se
créer des besoins de toutes sortes en proportion que le coeur est dans les
choses du monde. On peut y faire passer
tout le luxe des riches et n’avoir jamais de superflu. Ce n’est donc pas une bonne règle pour les
chrétiens. Selon l’écriture sainte c’est
la dîme que Dieu lui-même demande à son peuple dans l’Anc. Testament et les Apôtres ont transmis cette
doctrine aux fidèles du Nouveau. C’est
une assez bonne proportion pour détacher le coeur de l’amour des biens de ce
monde et s’attirer les bénédictions du ciel.
Nomb. 18-24: «Je donne aux
Lévites comme héritage les dîmes que les enfants d’Israël prélèveront pour
Yahveh.» Lévit. 27-30: «Toute dîme de la
terre, prélevée soit sur les semences de la terre, soit sur les fruits des
arbres, appartient à Yahveh, c’est une chose consacrée à Yahveh.» Deut. 11-13: «Dieu promet toutes sortes de
bénédictions à ceux qui garderont ses ordonnances, parmi lesquelles se trouve
la dîme, et des malédictions pour ceux qui ne les garderont pas.» Malac. 3-6 montre Dieu irrité contre son peuple parce
qu’il ne paie plus sa dîme. «C’est parce
que moi, Yahveh, je ne change pas que vous les enfants de Jacob, vous n’avez
pas été consumés. Depuis les jours de
vos pères, vous vous êtes écartés de mes ordonnances et vous ne les avez pas
observées. Revenez à moi et je
reviendrai à vous, dit Yahveh des armées; et vous dites, en quoi
reviendrons-nous? Dans la dîme et la
part à prélever. Vous êtes frappés,
vous, de la malédiction, et moi, vous-me fraudez, vous, toute la nation. Apportez toute la dîme au trésor et qu’il y
ait des vivres dans ma maison. Et
mettez-moi donc à l’épreuve en ceci, si je n’ouvre pas pour vous les écluses
des cieux et si je ne répands pas sur vous la bénédiction jusqu’à
surabondance. Pour vous, je chasserai
l’insecte qui dévore, il ne vous détruira plus les fruits du sol et la vigne ne
sera plus stérile pour vous dans la campagne, dit Yahveh des armées. Toutes les nations vous diront heureux et
vous serez un peuple de délices, dit Yahveh des armées.» Le bon Dieu accomplit
donc la promesse qu’il avait faite au Deut.
de châtier ceux qui ne paieraient pas leurs dîmes. Les Apôtres ont transmis cette doctrine aux
fidèles comme on peut le voir par l’institution des diacres pour distribuer ces
aumônes, devenues trop abondantes pour les Apôtres qui auraient perdu leur
temps à faire cette distribution. On
peut lire aussi les deux chapitres de St Paul, 2 Cor. 8 et 9.
Nous conseillons fortement à tous les fidèles de prendre cette recette
divine pour s’enrichir non seulement des biens de ce monde, mais surtout des
biens du ciel. Qu’on l’enseigne aux
enfants, qu’ils s’habituent à donner la dîme de ce qu’ils reçoivent en présents
de leurs parents et amis, au lieu de tout garder pour eux et de satisfaire leur
«païen».
Un Canadien voulait une position d’une compagnie
protestante
qui l’avait refusé deux fois à cause de sa nationalité et de sa religion. Un soir que sa femme était au sermon où
j’expliquais justement l’aumône, elle fut frappée de cette doctrine. Arrivée chez elle, elle dit à son mari de
promettre le dixième de son salaire et d’essayer encore. Ce fut accepté tout de suite. Et lui aussi fut engagé immédiatement.
Un jour, un homme me
fait monter dans sa superbe auto, pour laquelle je le félicite et lui dis qu’il
est chanceux de faire si bien. Alors il
me dit qu’il donnait beaucoup aux pauvres et que Dieu semblait le bénir à cause
de cela. Puis il me dit qu’il avait
donné $500.00 l’an dernier. Alors, vous
avez fait autour de $5000.00 de profit, lui dis-je. Comment savez-vous cela; c’est à peu près
cela. Dieu lui donnait en proportion de
sa dîme de $500.00. J’en connais un
autre qui donne sa dîme aux Missions de Chine depuis 20 ans et il n’a pas perdu
une seule journée de travail à cause de maladie et il est béni de Dieu en tout
avec un accroissement signalé de foi et de vertus. Quand j’étais Curé à Caughnawaga, avec des
gens bien pauvres, j’ai donné avec la permission des Supérieurs $100.00 aux
bonnes oeuvres et j’ai dit au bon Dieu que j’en voulais $10,000.00 et vite! En trois mois, je l’avais! J’ai donné ensuite $200.00 et j’ai demandé
$20,000.00 et je les ai eus. Je voulais
donner un autre $200.00, mais mon Provincial m’a refusé la permission; alors,
j’ai dit au bon Dieu: vous voyez ma bonne volonté, ça devrait valoir quelque
chose! Dans le courant de l’année le
Gouv. d’Ottawa, qui m’avait dit qu’il ne
me donnerait plus d’argent pour l’église, m’envoie un chèque de $2000.00 sans
me dire pourquoi! Mais moi je savais que
c’était pour que je remercie Dieu de sa bonté et lui donne toute la gloire… Il
récompense même les bons désirs! Que
d’autres exemples on pourrait ajouter!
Que chacun en fasse l’expérience par luimême! selon l’amour de dieu on ne mesure rien! On donne le plus possible sans compter. Si des obligations de famille empêchent de
tout donner, au moins on en garde le désir dans le coeur. Aucune affection naturelle ne doit rester
dans un coeur catholique, mais du pur surnaturel seulement comme dans le
ciel. Si on ne sait pas au juste que
faire, il vaut mieux aller du côté de l’aumône; les conséquences éternelles
sont autrement avantageuses que celles de rester au deçà.
Pour en prendre
l’habitude, il faut s’exercer graduellement, comme dans toute habitude. Donnons, par exemple, un meuble dont nous
pouvons nous passer, puis reposons-nous de cet acte de détachement réel. Attendons la grâce de Dieu pour en faire un
autre. Si on va trop vite dans les
débuts, et avant la grâce, le démon en profitera pour nous décourager. Il va nous pousser à l’extrême tout de suite,
puis il nous montre la sottise de tout vider sa maison. Alors on cesse de donner. Encore une fois ayons à coeur de vider la
maison, mais dans la pratique, à cause des autres avec lesquels on vit, il faut
y mettre de la prudence. Surtout quand
on est seul concerné, ce sera plus facile de se dépouiller le plus possible,
mais là encore, à condition d’être parfaitement content de le faire. Si dans le coeur, on trouve cela trop dur, eh
bien! vaut mieux garder ses biens. Voici un exemple. Que dirions-nous à un jeune homme qui nous
dit: je veux me faire religieux, mais lorsque j’y pense ca m’attriste. Il a envie de disputer, de se révolter et il
trouve cela bien dur de quitter le monde.
Eh bien! pour ma part, je lui
dirais: Mon ami, restez où vous êtes!
Vous n’avez pas la grâce de la vocation.
Eh bien! il en est ainsi pour
l’aumône; quand elle devient une corvée énervante et choquante, c’est signe
qu’on en fait trop pour ses moyens.
Diminuons-la. En tout cas, imitons les Saints dont la
tendance était de se dépouiller de tout en proportion qu’ils apprenaient à
aimer Dieu.
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