Des raisons
justes et graves Nous engagent à fortifier de nouveau de Notre autorité, et à
confirmer les sages lois et sanctions des Pontifes Romains Nos prédécesseurs,
non seulement celles que Nous craignons pouvoir être affaiblies ou anéanties
par le laps de temps ou la négligence des hommes, mais encore celles qui ont
été récemment mises en vigueur et sont en pleine force.
Clément XII,
d'heureuse mémoire, Notre prédécesseur, par sa Lettre Apostolique, datée du IV
des calendes de mai, l'an de l'Incarnation de Notre Seigneur M. DCC. XXXVIII,
de son Pontificat le VIIIe, et adressée à tous les fidèles de Jésus Christ, qui
commence par ces mots : In eminenti a condamné et défendu à perpétuité
certaines sociétés, assemblées, réunions, conventicules ou agrégations appelées
vulgairement de Francs-Maçons ou autrement, répandues alors dans certains pays,
et s'établissant de jour en jour avec plus d'étendue ; défendant à tous les
fidèles de Jésus Christ, et à chacun en particulier sous peine
d'excommunication à encourir par le fait et sans autre déclaration, de laquelle
personne ne peut être absous par autre que par le Souverain Pontife existant
pour lors, excepté à l'article de la mort, d'oser ou présumer entrer dans ces
sociétés, ou les propager, les entretenir, les recevoir chez soi, les cacher, y
être inscrit, agrégé, ou y assister, et autrement, comme il est exprimé plus au
long dans ladite Lettre.
Mais comme il
s'en est trouvé, ainsi que Nous l'apprenons, qui n'ont pas craint d'assurer et
de publier que ladite peine d'excommunication portée par Notre prédécesseur
comme dessus, ne frappe plus, parce que la constitution précitée n'a pas été
confirmée par Nous, comme si la confirmation expresse du Pape successeur était
requise pour que des constitutions apostoliques données par un Pape
prédécesseur subsistent ;
Et comme aussi
quelques hommes pieux et craignant Dieu Nous ont insinué que, pour ôter tous
les subterfuges des calomniateurs et pour déclarer l'uniformité de Notre
intention avec la volonté de Notre prédécesseur, il serait fort expédient
d'ajouter le suffrage de Notre confirmation à la constitution de Notre susdit
prédécesseur :
Nous, quoique
jusqu'à présent, lorsque Nous avons, surtout pendant l'année du jubilé, et
souvent auparavant, accordé bénignement l'absolution de l'excommunication
encourue, à plusieurs fidèles de Jésus Christ, vraiment repentants et contrits
d'avoir violé les lois de la susdite constitution, et promettant de tout leur
cœur de se retirer entièrement de ces sociétés ou conventicules condamnés, et
de ne jamais y retourner dans la suite ; et lorsque Nous avons communiqué aux
pénitenciers par Nous députés, la faculté de pouvoir donner en Notre nom et
autorité la même absolution à ces sortes de pénitents qui recourraient à eux ;
lorsque aussi Nous n'avons pas négligé de presser avec sollicitude et vigilance
les juges et tribunaux compétents à procéder contre les violateurs de ladite
constitution, selon la mesure du délit, ce qu'ils ont fait en effet souvent,
Nous ayons donné par là des arguments non seulement probables, mais entièrement
évidents et indubitables, d'où on devait assez clairement conclure Nos
sentiments et Notre ferme et délibérée volonté à l'égard de la force et vigueur
de la censure portée par Notre dit prédécesseur Clément, comme il est rapporté
ci-dessus ; et que, si l'on publiait une opinion contraire sur Notre compte,
Nous pourrions la mépriser avec sécurité, et abandonner Notre cause au juste
jugement du Dieu Tout Puissant, Nous servant de ces mots dont il est constant
qu'on s'est servi autrefois dans les saints mystères : " Faites, nous vous
en prions, Seigneur, que nous ne nous souciions pas des contradictions des
esprits méchants ; mais méprisant cette méchanceté, nous vous prions de ne pas
permettre que nous soyons épouvantés par les critiques injustes, ou enlacés par
des adulations insidieuses, mais plutôt que nous aimions ce que vous commandez,
" comme il se trouve dans un ancien Missel, attribué à S. Gélase Notre
prédécesseur et publié par le vénérable serviteur de Dieu Joseph-Marie
Thomasius Cardinal, dans la messe intitulée Contra obloquentes.
Cependant, pour
qu'on ne puisse pas dire que Nous ayons omis imprudemment quelque chose, qui
pût facilement ôter toute ressource et fermer la bouche au mensonge et à la
calomnie, Nous, de l'avis de plusieurs de Nos Vénérables Frères les Cardinaux
de la Sainte Église Romaine, avons décrété de confirmer par les présentes, la
susdite constitution de Notre prédécesseur, insérée mot à mot, dans la forme
spécifique, qui est la plus ample et la plus efficace de toutes, comme Nous la
confirmons, corroborons, renouvelons de science certaine et de la plénitude de
Notre autorité apostolique, par la teneur des présentes, en tout et pour tout,
comme si elle était publiée de Notre propre mouvement, de Notre propre
autorité, en Notre propre nom, pour la première fois ; voulons et statuons
qu'elle ait force et efficacité à toujours.
Or, parmi les
causes très graves de la susdite prohibition et condamnation, exprimées dans la
constitution rapportée ci-dessus, la première est que, dans ces sortes de
sociétés ou conventicules, il se réunit des hommes de toute religion et de
toute secte ; d'où l'on voit assez quel mal peut en résulter pour la pureté de
la religion catholique. La seconde est le pacte étroit et impénétrable du
secret, en vertu duquel se cache tout ce qui se fait dans ces conventicules,
auxquels on peut avec raison appliquer cette sentence de Cæcilius Natalis
rapportée dans Minucius Felix, dans une cause bien différente : Les bonnes choses
aiment toujours la publicité, les crimes se couvrent du secret. La troisième
est le serment qu'ils font de garder inviolablement ce secret, comme s'il était
permis à quelqu'un de s'appuyer sur le prétexte d'une promesse ou d'un serment,
pour ne pas être tenu, s'il est interrogé par la puissance légitime, d'avouer
tout ce qu'on lui demande afin de connaître s'il ne se fait rien dans ces
conventicules qui soit contre l'État et les lois de la religion ou du
gouvernement.
La quatrième
est, que ces sociétés ne sont pas moins reconnues contraires aux lois civiles
qu'aux lois canoniques ; puisque tous collèges, toutes sociétés, rassemblées
sous l'autorité publique, sont défendues par le droit civil, comme on le voit
au Livre XLVII des Pandectes, titre XXII de collegiis ac corporibus illicitis ;
et dans la fameuse lettre de C. Plinius Cæcilius Secundus, qui est la XCVII,
liv. X, où il dit que, par son édit, selon les ordonnances de l'empereur, il a
été défendu qu'il pût se former et exister des sociétés et des rassemblements
sans l'autorité du prince. La cinquième, que déjà dans plusieurs pays lesdites
sociétés et agrégations ont été proscrites et bannies par les lois des princes
séculiers. La dernière enfin est que ces sociétés sont en mauvaise réputation
chez les personnes de prudence et de probité, et que s'y enrôler serait se
souiller de la tache de perversion et de méchanceté.
Enfin, Notre dit
prédécesseur engage, dans la constitution rapportée ci-dessus, les Évêques, les
Prélats supérieurs, et autres Ordinaires des lieux, à ne pas omettre d'invoquer
le secours du bras séculier, s'il le faut, pour la mettre à exécution.
Toutes et
chacune de ces choses non seulement Nous approuvons, confirmons, recommandons
et enjoignons aux mêmes Supérieurs ecclésiastiques ; mais encore Nous
personnellement, en vertu du devoir de Notre sollicitude apostolique, invoquons
par Nos présentes lettres, et requérons de tout notre zèle, à l'effet de leur
exécution, l'assistance et le secours de tous les princes et de toutes les puissances
séculières catholiques, les souverains et les puissances étant choisis de Dieu
pour être les défenseurs de la foi et les protecteurs de l'Église; et par
conséquent, leur devoir étant d'employer tous les moyens pour faire rendre
l'obéissance et l'observation dues aux constitutions apostoliques ; ce que leur
ont rappelé les Pères du Concile de Trente, sess. 25, chap. 20 ; et ce qu'avait
fortement auparavant bien déclaré l'empereur Charlemagne dans ses Capitulaires,
tit. 1, chap 2. où, après avoir prescrit à tous ses sujets l'observation des
ordonnances ecclésiastiques, il ajouta ce qui suit : " Car nous ne pouvons
concevoir comment peuvent nous être fidèles ceux qui se sont montrés infidèles
à Dieu et à ses prêtres. " C'est pourquoi, enjoignant aux présidents et
ministres de tous ses domaines, d'obliger tous et chacun en particulier à
rendre aux lois de l'Église l'obéissance qui leur est due, il édicta des peines
très sévères contre ceux qui y manqueraient. Voici entre autres ses paroles :
" Ceux qui en ceci (ce qu'à Dieu ne plaise !) seront trouvés négligents et
désobéissants, qu'ils sachent qu'il n'y a plus d'honneurs pour eux dans notre
empire, fussent-ils même nos enfants, plus de place dans nos palais, plus de
société ni de communication avec nous ni les nôtres, mais ils seront sévèrement
punis. "
Nous voulons
qu'on ajoute aux copies des présentes même imprimées, signées de la main d'un
notaire public, et scellées du sceau d'une personne constituée en dignité
ecclésiastique, la même foi que l'on ajouterait aux présentes, si elles étaient
représentées et montrées en original.
Qu'il ne soit
donc permis à aucun homme d'enfreindre ou de contrarier, par une entreprise
téméraire, cette Bulle de Notre confirmation, rénovation, approbation,
commission, invocation, réquisition, décret et volonté. Si quelqu'un est assez
téméraire pour le tenter, qu'il sache qu'il encourra l'indignation du Dieu
Tout-Puissant et des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul.
Donné à Rome,
près Sainte-Marie-Majeure, l'an de l'Incarnation de Notre Seigneur M. DCC. LI,
le XV des Calendes d'avril, la XIe année de Notre Pontificat.
Benoît XIV, Pape
Donné à Rome, près de Sainte Marie Majeure, l'an de l'Incarnation de Notre Seigneur M. DCC. LI, le XV des Calendes d'avril, la onzième année de Notre Pontificat. (16 mars 1751)
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