VINGT-SEPTIÈME
INSTRUCTION L’HUMILITÉ.
«Apprenez
de moi que je suis doux et humble de coeur et vous trouverez le repos de vos
âmes.» Mt. 11-29
Plan
Sa division (Sa nature Humilité imparfaite: (Son utilité (À soi-même (Torts
faits par abus (Au prochain (À Dieu Quelques textes sur l’humilité Le sens de
l’oubli de soi (Du surnaturel L’humilité parfaite vient: (De la gloire de Dieu
(Du souverain domaine de Dieu (De la folie de la croix. Ses signes.
SA
DIVISION Voici une vertu dont tout le monde parle, mais qu’on pratique bien
peu!… C’est la vertu qu’on doit pratiquer pendant qu’on jouit des bienfaits de
Dieu. Les auteurs parlent souvent des
degrés de l’humilité: ils sont bien
libres
de le faire, car il y a plusieurs points de vue que l’on peut envisager dans
une vertu de son ampleur. Comme nous
voulons la considérer, nous voyons plutôt trois espèces différentes d’humilité:
l’une doit couvrir nos péchés, l’autre notre nature humaine comme telle,
indépendamment du péché, et enfin une troisième doit couvrir nos bienfaits
surnaturels. En d’autres termes, quelle
est l’humilité que nous devons pratiquer en tant que pécheurs, puis en tant que
simples païens et enfin, comme divinisés dans l’ordre surnaturel?
En
face de nos péchés l’humilité devrait être facile: nous nous sommes couverts
d’iniquités, de honte, nous avons outragé notre Créateur, nous sommes descendus
plus bas que les animaux, nous sommes devenus de véritables démons dignes de
l’enfer comme eux! Il y a de quoi
humilier n’importe quel pécheur! Il
mérite tous les mépris du monde, comme tous les châtiments de l’enfer. Où sont les chrétiens qui échappent à cette
infamie? à cette honte?
Cette
humilité vient donc du sentiment intime de son immense folie qui, par ses
révoltes contre Dieu, s’est attiré la colère de Dieu, avec des châtiments
épouvantables et éternels de leur nature, de mériter le mépris de tous les
êtres raisonnables en ce monde et au ciel, et d’être pourri jusqu’au fond de
l’âme! et méchant comme le démon! Puisque la plupart de nous avons offensé Dieu
d’une façon ou d’une autre, c’est une grâce à demander à deux genoux de nous
mépriser comme nous le méritons et de sentir au fond de l’âme ce dégoût affreux
de notre vie abominable et la honte de paraître devant Dieu; voilà l’humilité
que les pécheurs doivent avoir à cause de leurs péchés. Il est évident que jamais nous ne pourrons
nous humilier assez de cette façon devant Dieu et cela pour toute notre
vie. La preuve que Dieu y tient est
qu’il pousse les saints à contempler le désordre de leur vie passée avant de
leur faire des grâces signalées. Nous devrons
donc l’avoir avant d’entrer au ciel.
Commençons au plus tôt!… Comment allons-nous baptiser cette
humilité? Appelons-la simplement
l’humilité des pécheurs; c’est sûrement la plus générale ou qui devrait l’être
si les chrétiens l’avaient! Ils pensent
si peu à leurs péchés qu’ils pensent encore moins à s’humilier devant Dieu à
cause d’eux. Mais que chacun s’y mette
au plus vite s’il veut arriver avec Dieu un jour. Dieu oublie les péchés des hommes à condition
qu’ils les confessent et les expient en plus.
La contrition qui ne se rend pas à «en faire pénitence» est imparfaite
et ne peut satisfaire Dieu. Or combien
peu font pénitence pour leurs péchés passés!
L’humilité des bons païens! Quand
un chrétien ne pense pas spécialement à ses péchés, est-il exempt de la
pratique de l’humilité? Sûrement
non! Comment va-t-il faire? Tout ce qu’il voit en lui est bon; il admire
même ses talents d’esprit, la bonté de sa volonté et ses bonnes dispositions
envers tout le monde; il ne peut pas dire que tout cela est de la pourriture! Cependant il faut qu’il pratique
l’humilité. On voit tout de suite que ce
ne sera pas la même espèce que l’autre.
La première a pour objet du pourri, du méchant, du diabolique. Celle-ci considère du bon, du bien, du beau. Comment s’humilier devant ces bonnes choses?
On
peut et on doit le faire de cette façon-ci, par exemple. Même un païen sait qu’il n’a pas toujours
existé et qu’il n’existera pas toujours et que ces deux termes ne viennent pas
de lui du tout; donc tout ce qu’il y a entre ces deux termes de sa vie ne lui
appartient pas plus. Il sait par
l’expérience des autres au moins qu’il peut perdre absolument toutes ses bonnes
qualités, les unes après les autres et même toutes à la fois par la mort. Donc que vaut-il de lui-même? Absolument rien! De plus comme toutes ses qualités sont bien
limitées, ses forces physiques ne durent pas longtemps, ses talents
intellectuels lui montrent son ignorance en tous domaines. Il y a donc de quoi s’humilier en ne
considérant que son être naturel bon et pur.
La conclusion pour lui est donc que tout son être avec toutes ses
qualités lui sont prêtées par Dieu et qu’il peut les reprendre n’importe
quand. Quels seraient les sentiments
d’une pauvre femme portant un riche manteau que tout le monde sait qu’elle a
emprunté? Elle n’aurait aucun orgueil,
mais elle en serait plutôt humiliée.
Voilà donc ce que devraient être les sentiments de tout homme qui
réfléchit sur son existence empruntée de Dieu avec tout ce qu’elle contient
pour lui… et tout cela selon la seule raison naturelle. L’humilité des chrétiens dans l’ordre
surnaturel consiste à savoir et à admettre que tout le divin qu’ils ont en eux
vient uniquement de Dieu et qu’il en reste le Maître absolu. À cela doit s’ajouter le sentiment de
l’infinie distance qui sépare la nature humaine de la nature divine qui se
communique ainsi à la première et par conséquent le sentiment de son indignité
devant la majesté du divin. D’où l’on
voit que ces deux dernières humilités se ressemblent beaucoup, tellement
qu’elles sont constituées par la même idée: tout ce qu’on est et qu’on a vient
de Dieu et ne nous est que prêté. On
peut donc les unir pour les appeler: humilité parfaite. La première, celle des pécheurs, est toute
différente, comme on l’a vu. Nous allons
l’appeler: humilité imparfaite. Il est
bon de les tenir séparées pour mieux comprendre la doctrine que chacune
requiert ou enseigne et pour ne pas les confondre en appliquant à l’humilité
imparfaite ce qui ne cadre qu’avec l’humilité parfaite et ainsi tout gâcher,
comme c’est la tendance générale. Nous
allons commencer par l’humilité imparfaite.
l’humilité imparfaite sa nature a déjà été suffisamment expliquée dans
la division des sortes d’humilité.
Son
utilité est très grande puisqu’elle exprime les sentiments que tout pécheur
doit avoir devant Dieu, quand il songe à ses péchés. Le St Esprit pousse les âmes à cette humilité
quand il veut les purifier, ce qu’il veut sûrement pour tous les pécheurs. Tous les chrétiens doivent donc s’efforcer
d’en concevoir les sentiments parce qu’ils sont tous pécheurs plus ou moins. Mais comme c’est une vertu imparfaite, il ne
faut pas la pousser trop loin parce qu’alors on tombe dans des abus dangereux,
qu’il est bon de signaler.
Torts
faits par ses abus. On sait que les
Jansénistes ont poussé trop loin la crainte de Dieu en laissant dans l’ombre sa
miséricorde et sa bonté. Toute la nature
humaine était corrompue intrinsèquement par le péché originel de sorte que tous
ses actes étaient des péchés quand ils étaient faits sans la grâce, comme chez
les païens. L’Église les a condamnés,
mais ne les a pas changés! Ils ont gardé
leurs idées encore longtemps. Cela
apparaît dans leur façon de comprendre l’humilité. Pour eux, il n’y a que l’humilité des
pécheurs ou imparfaite. C’est la seule
qu’ils prêchent et qu’ils pratiquent.
Leurs
idées sur l’humilité se sont répandues avec le jansénisme et dans les mêmes
pays, surtout les pays latins. Là encore
on ne parle que de l’humilité des pécheurs: pourriture, bassesse, indignité,
méchanceté native, etc. Comme s’il n’y
avait dans les pécheurs que leurs péchés.
Il est évident qu’il y a beaucoup de vrai et jamais les pécheurs ne
pourront assez déplorer leurs péchés.
Mais le mal commence quand ils ne voient que des péchés dans
l’homme. N.S. a vu d’autre chose quand il est venu mourir
pour nous; ce ne sont pas nos péchés qu’il voulait au ciel, mais notre nature
humaine qu’il aime intensément. Il y a
donc du bon en nous et ce bon doit pratiquer aussi son humilité. Or les Jansénistes n’y ont rien compris parce
qu’ils n’admettaient pas de bon en nous après la chute originelle. Là est leur erreur ou une partie et c’est
cette partie qui fait un grand tort à la vie spirituelle de ceux qui les
suivent, comme au prochain et à Dieu; voyons-la séparément. À soi-même Elle développe une spiritualité
triste. Car on devient semblable à ce
que l’on contemple habituellement. Si on
est toujours en face de la pourriture et de sa bassesse, on prend l’air d’un
homme toujours en face d’un cadavre en putréfaction, un air de tristesse, de
dégoût et de honte. On ne peut jamais
pénétrer dans leur intérieur; on se sent repoussé comme par un geste de
lépreux: impur! Ils ne veulent pas faire
connaissance avec les autres; ils restent étrangers à tout le monde. Comme on se sent mal à l’aise avec ces
charniers froids et fermés!… C’est la plaie des communautés en général, surtout
dans les pays latins. Cette humilité
janséniste n’est pas toujours du concentré 100%, mais comme il y en a encore
trop partout! Tous ceux qui ne veulent
pas parler de leur vie intérieure, ni écouter un autre qui voudrait en parler,
en sont infectés plus ou moins. Ces gens
fermés sont la mort de la charité fraternelle bien comprise. Comment s’ouvrir le coeur devant ces gens qui
ne veulent pas s’ouvrir? On se ferme
comme eux!… Ils développent une spiritualité hypocrite. Car ces humbles jansénistes parlent et
agissent uniquement avec leur humilité de péché et cependant, malgré eux, ce
qu’il y a de bon dans leur nature produit des actes et des vertus qui ont leur
bonté propre. C’est toute cette partie
de leur vie intérieure qu’ils se sentent obligés de cacher pour pouvoir prôner
leur humilité de pécheurs. Si les autres
qui s’aperçoivent de ce bien les en félicitent, par exemple, ils nient qu’ils
aient du bien en eux. Voilà une attitude
d’hypocrites qu’ ils prennent habituellement; ils se croient obligés de couvrir
de pourriture même le bien qu’ils font ou qu’ils ont. C’est de la vraie hypocrisie très désagréable
pour leur entourage.
Leurs
efforts convergent toujours à cacher aux regards des autres le bien qu’ils font
ou les vertus qu’ils pratiquent. C’est
donc qu’ils ont conscience d’en avoir!
Quand les voleurs viennent chez un pauvre il ne fait aucun geste pour
cacher les diamants qu’il n’a pas! Ce
sont les riches qui se hâteraient de cacher leurs trésors devant les
voleurs. Nos jansénistes ont donc
conscience d’avoir des trésors de vertus puisqu’ils sentent le besoin de les
cacher, de n’en pas parler. Voilà ce qui
est hypocrite.
Ils
ont tort de transférer leur humilité de pécheurs sur tout ce qu’il y a de bon
en eux; voilà la fausseté et de la sottise qui ne plaît ni aux hommes ni à
Dieu! Ils ne sont pas humbles mais ils
en veulent la gloire; ils veulent paraître humbles. La preuve est vite faite: qu’on leur dise
qu’ils sont de bons à rien avant qu’ils aient le temps de le proclamer
eux-mêmes et ils se fâchent contre vous!
Comme ils ressentent tout mépris qu’on leur manifeste! Ce n’est donc pas pour s’attirer la louange
d’être humble qu’ils se méprisent devant les autres ou qu’ils taisent leurs
vertus. C’est de l’orgueil tout
pur! Au prochain, en le privant des
biens spirituels dont on devrait lui faire l’aumône. Serait-ce vertu de refuser l’aumône au pauvre
sous prétexte qu’il va conclure qu’on a du bien? Dans les choses profanes est-ce qu’on ne
regarde pas comme une charité que de communiquer aux autres les bonnes idées
qu’on trouve ou les bons projets qu’on conçoit?
Pourquoi ne pas faire de même pour nos richesses spirituelles? Puisqu’il faut aimer son prochain comme
soi-même, il faut donc partager avec lui tous nos biens spirituels comme
matériels… sans s’imposer évidemment. Si
j’offre un verre d’eau à un homme et qu’il le refuse, vais-je le lui jeter en
pleine face? Eh bien! s’il ne veut pas de mes idées, il ne faut pas
que je les lui jette à la face non plus… La Sagesse, 7-13, dit: «J’ai appris la
sagesse sans arrière pensée, je la communique sans envie et je ne cache point
ses trésors.» Faisons de même avec la sagesse divine que Dieu nous communique. Autrement on agit comme ces riches qui
gardent tout leur bien pour eux-mêmes.
C’est justement ce que font nos humbles jansénistes qui ne veulent pas
parler des bonnes choses spirituelles qu’ils ont. Ils en privent le prochain… On fait du bien
au prochain en faisant tout le contraire des humbles jansénistes. C’est en donnant ce qu’on a dans notre propre
coeur qu’on touche le prochain, ou encore, c’est le Dieu que j’ai capté dans
mon coeur qui fera du bien aux autres par mon ministère; c’est en lui donnant
ce que je vis dans mon âme que je lui ferai du bien. St F.
de Sales donne un bon exemple dans les abeilles. Le miel qu’elles nous font vient de leur vie
propre, de leur intérieur; c’est pour cela qu’on le trouve bon. Si elles se contentaient de nous donner le nectar
tel qu’elles le prennent dans les fleurs nous n’en voudrions pas. Eh bien!
c’est aussi ce qui vient de notre vie vécue ou de notre coeur qui va au
coeur des autres et les touche. C’est
justement ce que les humbles [jansénistes] ne veulent pas donner ou
manifester. Aussi personne n’aime leurs
discours.
St
Paul nous donne encore un meilleur exemple dans la greffe. Si on greffe une branche de poirier sur un
pommier, cette branche va produire des poires, mais à l’aide de la sève du
pommier. Si ce pommier était formé par
les jansénistes, il refuserait de donner sa sève en disant qu’il n’est que
pourriture, qu’il n’a rien à donner et la petite branche ne pourrait pas
produire des poires. Eh bien! le surnaturel est greffé sur notre païen ou
naturel. C’est la vie propre à la grâce
qui produit des fruits surnaturels, mais à l’aide de l’activité physique du
païen en nous. Si on refuse de parler,
par exemple, des biens spirituels en notre propre coeur ou notre propre vie, la
grâce n’agira pas, voilà tout. C’est en
proportion que j’y mets du mien que Dieu mettra du sien. Voilà ce qui explique que tant de
prédicateurs sont plats à mourir debout!
Ils ne donnent pas ce qu’ils vivent ou ce qu’ils aiment dans leur propre
coeur, alors le St Esprit ne coopère pas avec eux et les fidèles ne reçoivent
rien… et donc s’ennuient avec raison. La
plupart de ces prédicateurs sont tout aux choses du monde et donc ils en ont le
coeur plein. Mais en chaire il faut bien
qu’ils parlent des choses de la religion qu’ils n’ont pas dans leur coeur;
voilà pourquoi ils sont plats! Mais même
si c’est un prêtre aux choses de Dieu il y en a un bon nombre qui sont plats,
parce que par humilité mal comprise, ils ne parlent pas de ce qu’ils ont dans
le coeur, ni de ce qu’ils vivent, alors ils retombent comme les autres à parler
avec des généralités dans l’ordre spéculatif où le St Esprit n’agit pas non
plus. C’est la même explication pour les
conversations archiplates des prêtres et des religieux en général. Elles sont intéressantes quand un groupe de
païens se trouvent ensemble et qu’ils parlent de l’abondance du coeur de leurs
vanités favorites: cinémas, sports ou jouissances quelconques. Mais si on veut tant soit peu parler des
choses de Dieu alors tous se ferment comme des carpes!
Mais
même les fervents se ferment par humilité janséniste, de sorte qu’on ne peut
pas parler des choses de Dieu avec des gens consacrés tout aux choses de
Dieu. Nulle part ailleurs dans le monde
on ne peut trouver pareil manque de logique et bêtise. Voilà des gens qui se sont donnés tout aux
choses de Dieu et qui par vertu supposée ne veulent jamais en parler. Cela suffit pour condamner cette humilité
dans l’usage insensé qu’on en fait.
Quelle
différence quand nos retraitants se trouvent ensemble! Personne n’a de secret, comme des enfants,
ils ont le coeur dans la main! Tout est
en commun! Ils sont intarissables pour
parler des choses qu’ils ont dans le coeur des choses de Dieu et tout les
intéresse dans cette ligne. Les mêmes
choses dites 50 fois sont encore toutes nouvelles! Quelle émulation pour passer aux autres ce
qu’on a trouvé de bon et de prendre ce qu’ils peuvent nous donner! Personne n’est jaloux ni envieux du bien des
autres: quel bonheur que de se rencontrer avec de vrais catholiques!
Mais
qu’un «païen» arrive qui n’a pas fait la retraite, voilà qu’il gèle tout! Il ne comprend rien, il n’est pas intéressé à
nos sujets; bref, il faut changer de conversation si on veut qu’il parle! Voilà pourquoi il faut nous isoler pour
parler de Dieu! Il faut même nous cacher
parce que cela enrage les philosophes de savoir que nous parlons des choses
spirituelles. Ils ne s’en rendent pas
compte, mais c’est le démon qui les aigrit contre ces sujets qui lui font un
tort immense… quand on en parle!
À
Dieu, le privant de sa gloire. Comme on
n’ose pas s’arrêter à ses bienfaits, de peur d’en concevoir de l’orgueil, on ne
l’en remercie pas comme on devrait le faire.
On n’est pas exposé non plus à remonter à Dieu pour s’affectionner à lui
par le moyen de son échantillon selon son plan divin. Ces gens nuisent à la cause de Dieu en
évitant de parler des choses qui le concernent comme ils le bannissent de leurs
conversations. St F. de Sales condamne cette humilité en
différents endroits. «Quand la charité
le requiert, il faut communiquer rondement avec le prochain pour son
instruction, son utilité et sa consolation.» «Les humilités qui préjudicient à
la charité sont indubitablement fausses.» St Bernard dit que cette sorte
d’humilité fausse creuse l’âme, mais elle s’obstine à ne pas mettre au fond de
ce vide la pierre fondamentale, N.S.J.C.» St F.
de Sales dit encore: «Il y a des personnes qui s’amusent à une fausse et
niaise humilité qui les empêche de regarder en eux ce que Dieu y a mis de bon.»
Entret. 5è: générosité. quelques textes sur cette humilité St Ignace
écrit à Sr Régadelle: «Le démon voyant donc le serviteur du Seigneur si
solidement établi dans la vertu et dans l’humilité, que tout en faisant ce que
Dieu demande de lui, il se regarde comme un homme entièrement inutile, que bien
loin de songer à la vaine gloire, il ne considère que ses faiblesses; il lui
met dans l’esprit qu’en parlant des grâces qu’il a reçues de Dieu, N.S., de ses
actions, de ses résolutions, de ses bons désirs, il pèche par une autre sorte
de vaine gloire, parce qu’en tout cela il parle à sa propre louange. Ainsi le démon s’efforce de l’empêcher de
rien manifester des dons qu’il a reçus du Seigneur, de peur qu’il n’opère par
là quelque bien dans lui-même et dans les autres. Je dis dans les autres car, s’ils viennent à
concevoir de l’estime pour lui, ils ajouteront facilement foi à ses discours et
en profiteront pour leur avancement spirituel, ce que redoute par-dessus tout
l’ennemi des âmes. C’est ainsi que
lorsqu’il nous voit humbles, il tâche de nous inspirer une fausse humilité
excessive et mal entendue.
Vos
paroles mêmes sont une preuve suffisante de ce que j’avance. Car vous ajoutez aussitôt: Je suis une pauvre
religieuse… il me semble que je désire servir N.S.J.C. Vous n’osez pas dire franchement: Je désire
servir J-C.; vous vous croyez obligée de dire: il me semble que je désire… Si
vous réfléchissez bien, vous reconnaîtrez que ces désirs de servir JC. ne sont pas de vous, mais que c’est lui-même
qui vous les donne, et que par conséquent en disant: Le Seigneur me donne de
vifs désirs de le servir, c’est lui-même que vous louez, ce sont ses dons que
vous publiez, c’est en lui et non en vous que vous vous glorifiez, puisque vous
ne vous attribuez nullement cette grâce.» Dans ce texte on voit que St Ignace
approuve les deux sortes d’humilité; donc condamne ceux qui ne veulent pas de
la seconde telle que nous allons l’expliquer.
Ste
Thérèse, Chât. ch. 2, p.
55: «À mon avis, nous n’arriverons jamais à nous bien connaître si nous
ne nous efforçons de connaître Dieu; c’est en contemplant ses grandeurs que
nous découvrirons notre bassesse. Si au
contraire nous ne sortons jamais de la fange de nos misères, il en résultera
bien des inconvénients… c’est pourquoi je dis, mes filles que nous devons fixer
les yeux sur J-C., notre trésor et sur les saints; c’est là que nous
apprendrons l’humilité véritable.»
Ce
texte favorise aussi les deux sortes d’humilité; donc condamne l’usage exclusif
de la première sorte. St F. de Sales: «Plusieurs ne veulent ni osent
considérer les grâces que Dieu leur a faites en particulier, de peur de prendre
de la vaine gloire et complaisance en quoi certes ils se trompent. Car puisque, comme dit le grand docteur
angélique, le vrai moyen d’atteindre à l’amour de Dieu, c’est la considération
de ses bienfaits, plus nous les connaîtrons plus nous l’aimerons et comme les
bienfaits particuliers émeuvent plus puissamment que les communs, aussi
doivent-ils être considérés plus attentivement.
Certes rien ne nous peut tant humilier devant la miséricorde de Dieu que
la multitude de ses bienfaits, ni rien tant nous humilier devant sa justice que
la multitude de nos méfaits. Il ne faut
pas craindre que la reconnaissance de ce qu’il a mis en nous nous enfle, pourvu
que nous soyons attentifs à cette vérité que ce qui est bon en nous n’est pas
de nous. Hélas! Les mulets laissent-ils d’être lourdes et
puantes bêtes pour être chargés des meubles précieux et parfumés du prince?» Le
Card. Pie, Baunard, 1, p. 78: «Une amoureuse connaissance des dons de
Dieu en nous l’honore plus que l’attention à les dissimuler de peur de
l’enflure. Nous sommes faits pour la
gloire et nonobstant nos contraintes ce noble fond nous reste. Fecit magna qui potens est, disait la plus
humble et la plus magnanime des créatures.
Ah vraiment, cher ami, il ne faut pas que l’ennemi nous ravisse l’unique
joie que nous avons en ce monde: celle de savoir et de sentir tout le bien que
Dieu nous
a fait. On parle toujours dans les
livres de ce que nous sommes par nous-mêmes, presque jamais de ce que nous
sommes en Dieu. L’un abat l’âme; l’autre
l’élève, exalte le courage et transporte d’amour.»
Père
Surin, Not. spir. p.
462: «La racine de l’humilité est la connaissance de Dieu. Car il est impossible de connaître et de
sentir notre bassesse que par rapport avec quelque grandeur avec laquelle nous
la comparions. Nous avons beau penser au
peu qui est en nous, nous n’en serons jamais plus humiliés si nous ne le
comparons pas aux perfections infinies de Dieu.»
Le
Père Lancinius, 6e opusc. c. 6, n.
55, établit solidement cette doctrine et démontre qu’on ne peut sans
grande témérité soutenir qu’il est contraire à l’humilité de reconnaître les
dons que Dieu a mis en nous fussent-ils extraordinaires et même
miraculeux. On peut établir le même
rapport entre nos deux humilités qu’entre la crainte de Dieu et son amour. C’est aussi janséniste de ne parler que de la
première comme de ne parler que de la crainte de Dieu. Il faut les deux selon les cas. Dans les grandes tentations quelque saint
qu’on soit, il faut se réfugier dans la crainte de Dieu et de sa justice Dans
les mêmes circonstances on pourra faire tant qu’on voudra des actes d’humilité
imparfaite et avec grand avantage pour l’âme.
le
vrai sens de l’oubli de soi Ceux qui affectionnent l’humilité des jansénistes
aiment à prôner ce fameux principe de l’oubli de soi. Évidemment, c’est un bon moyen pour ne jamais
parler de soi, de ses vertus ni des dons de Dieu puisqu’on ne veut pas même
penser à soi. On dit carrément qu’il ne
faut jamais parler de soi ni en bien ni en mal: c’est donc bien absolu! Eh bien!
Montrons que les jansénistes ont grandement abusé de cette expression
qui est bonne dans un sens et mauvaise dans l’autre; ce dernier est celui des
jansénistes. Selon les jansénistes il
faut si bien s’oublier qu’on ne parle plus du tout du bien que Dieu a fait en
nous ou par nous. Ce qu’on a dit les
condamne déjà sur cette expression aussi.
Mais comme on la donne encore de nos jours pratiquement dans toutes les
communautés et dans les séminaires, il faut montrer la sottise davantage. Ce principe mal compris est la mort des
conversations dans les communautés et dans le clergé. Imaginez qu’il ne reste pas grand’chose à
dire quand on exclut tout ce qui nous concerne.
Entendez ces nigauds jansénistes: «L’hiver s’en va. — Oui, l’été s’en vient! Les grives sont arrivées. — La neige est partie! Les bourgeons sortent! Le vent est nord! Tout cela avec des soupirs entre ces
observations si intellectuelles! On sort
de ces récréations ahuri, embêté et dégoûté de la vie commune.
Pour
s’oublier eux-mêmes ces gens oublient Dieu aussi; ce n’est pas nécessaire de
cacher Dieu pour se cacher soi-même.
Voyons donc le vrai sens de cette expression. L’oubli de soi veut tout simplement dire:
attribuer à Dieu tout le bien qu’on a ou qu’on fait. Par le fait même on s’oublie soi-même, mais
on n’oublie pas Dieu; c’est la perfection!
Apprenons des enfants la simplicité parfaite et la vraie humilité. Une maman arrive de la ville avec une belle
boîte de bonbons qu’elle donne au premier de ses enfants qu’elle rencontre,
disons: René. Les autres arrivent autour
de René très bien élevé qui étale sa boîte de bonbons devant les autres. À ceux qui lui demandent qui lui a donné ces
bonbons, il répond tout de suite: C’est maman.
Puis chacun vante ces bonbons et en jouit tout bonnement; ils sont
heureux et le montrent dans leur figure.
Si
ces enfants avaient passé par un noviciat ou un séminaire, ils diraient que ces
chocolats ne sont que de la pourriture et René les cacherait des autres pour ne
pas en avoir de l’orgueil! Que penserait
la maman de cette façon d’agir? René
n’est pas orgueilleux du moment qu’il dit qu’il vient de recevoir ces bonbons
de sa maman. Il ne parle pas de luimême,
mais de sa maman et de ses dons! Il
s’efface dans le bon sens.
Quelle
belle simplicité quand les âmes n’ont pas été perverties par l’humilité des
jansénistes! Dans les bonnes familles,
comme tous sont ouverts les uns pour les autres! Tout est en commun, les biens comme les
épreuves. Ils parlent de leur succès aux
autres qui les écoutent volontiers et les félicitent et s’en montrent heureux
dans le Seigneur. On trouve cette
franche ouverture de coeur chez les nouveaux venus dans les communautés avant
qu’on les injecte du poison des jansénistes.
Ils disent carrément qu’ils veulent devenir des saints et faire beaucoup
de bien pour la gloire de Dieu. On voit
les anciens se jeter des regards moqueurs devant la naïveté de ces
novices. Ce ne sera pas long que l’un
d’eux le dénoncera comme «parlant trop de lui-même», et il sera averti qu’il
doit s’oublier plus, qu’il ne faut jamais parler de soi ni en bien ni en mal! Quel coup pour la foi! Il s’est fait religieux justement pour parler
des choses de Dieu qu’il a dans le coeur!
voilà qu’il doit refouler tout cela au fond du coeur… et il ne pourra
jamais plus en parler! Quelle déception! Quelle spiritualité bête… et elle est si
générale dans les âmes consacrées uniquement aux choses de Dieu! Les avocats ne parlent que de loi, les
médecins que de maladies et d’opérations, les hommes d’affaires que de
commerce; il n’y a que les religieux d’assez bêtes pour ne pas parler de
l’unique chose qui doit faire leur vie!
Comme les gens du monde sont bien plus sages que les fils de la
lumière!… de la lumière païenne! Quel
tort fait cette humilité des jansénistes trop poussée et exclusive!
L’humilité
parfaite vient… De la conviction que tout ce qu’il y a de bon en nous vient de
Dieu soit dans l’ordre naturel soit dans l’ordre surnaturel. Si je trouve que j’ai une belle voix, je dois
dire: C’est Dieu qui me l’a donnée. Si
j’ai reçu une grâce spéciale, je dois dire: C’est Dieu qui me l’a donnée. Donc ce principe est vrai dans les deux
ordres. Le païen qui se servirait tant
soit peu de son intelligence saurait que tout le bien qu’il a vient de Dieu ou
de l’Être suprême au-dessus de lui, et donc il pourrait avoir l’humilité
parfaite. La lune nous fournit un
exemple frappant. On sait qu’elle est
opaque et ne fait que réfléchir la lumière du soleil. Supposons qu’elle soit intelligente et
qu’elle m’entend la vanter pour sa belle lumière qu’elle répand dans notre
nuit. Elle ne serait pas assez folle
pour nier la lumière qu’elle répand, comme ferait un janséniste, mais elle me
dirait tout simplement que cette lumière ne vient pas du tout d’elle, mais du
soleil et qu’elle ne fait que réfléchir cette lumière sur la terre. Tout cela est la vérité et satisfait l’esprit
pleinement. Eh bien! tout homme tant soit peu intelligent devrait
savoir que tout le bon et le bien qu’il a en lui ne vient pas de lui; il ne
s’est absolument rien donné, mais il a tout reçu de Dieu, son Créateur. Alors il n’a pas à le nier du tout, mais il
n’a qu’à dire la vérité, que tout ce bien lui vient de Dieu uniquement, qu’il
réfléchit, pour ainsi dire, les perfections divines que Dieu lui a
communiquées.
Le
surnaturel de la foi évidemment accentue ces conclusions de la raison. Non seulement elle nous montre les
échantillons des perfections divines en nous, mais nous fait remonter à ces
mêmes perfections en elles-mêmes. On
voit tout de suite que l’humilité qui s’en dégage va être encore plus parfaite,
mais dans le même sens ou dans la même espèce.
Que j’attribue un talent naturel ou une grâce à Dieu c’est la même sorte
d’humilité, puisque mon motif est le même.
Seulement comme la lumière de la foi est plus grande que la lumière de
la raison, mon humilité est mieux comprise et donc meilleure quoique dans la
même espèce. Il s’agit donc pour nous de
comprendre que sans J-C. nous ne pouvons
absolument rien et cela est vrai dans les deux ordres. Comme St Paul, 2 Cor. 3-5 le dit: «C’est par J-C. que nous avons en Dieu une telle confiance;
non que nous soyons capables par nous-mêmes de former aucune bonne pensée comme
de nous-mêmes, mais c’est Dieu qui nous en rend capables.» On voit combien la
foi éclaire la raison pour améliorer notre humilité.
La
conclusion est que l’on peut louer les bonnes choses que nous avons eues ou que
nous faisons sans pour cela être orgueilleux.
Revenons à l’exemple de la lune.
Est-ce qu’un ignorant qui pense que c’est la lune elle-même qui fait sa
lumière ou le savant qui sait que cette lumière vient du soleil, ne peuvent pas
tous les deux louer la beauté de la lune?
Du fait qu’ils la trouvent belle, on ne peut pas conclure qu’ils sont
savants ou ignorants. Pour cela il faut
savoir à qui ils attribuent la lumière de la lune. Eh bien!
il en est ainsi pour ceux qui vantent les belles choses qu’ils ont:
personne ne peut conclure qu’ils sont orgueilleux par ce fait, car là n’est ni
l’orgueil ni l’humilité. Ces deux choses
ne sont que dans l’attribution du bien.
Celui qui pense que ce bien vient de lui-même est orgueilleux et celui
qui sait qu’il vient de Dieu est humble.
Il faut donc connaître leur pensée pour les juger. Mais personne n’a le droit de les accuser sur
le seul fait qu’ils louent le bien qu’ils ont ou qu’ils font.
Ce
qu’on dit de la lune on peut le dire de toutes les planètes. Entre savants, est-ce que je ne pourrais pas
dire sans être corrigé par personne que la planète Mars est bien belle ou que
j’admire la beauté de Vénus, etc.? Tout
le monde sait que c’est la même lumière du soleil dans tous ces cas, mais on
veut parler de cette portion de la lumière solaire interceptée par telle
planète en particulier. Cet exemple est
pratique pour nous. Voici que je dis
devant des prêtres que la semaine dernière j’ai converti un grand pécheur avec
mon sermon. S’il y a des jansénistes
ignorants parmi eux, ils vont être scandalisés et choqués de ma vantardise
selon eux. Ils n’ont pas le droit de me
juger orgueilleux de ce que je parle du bon coup que j’ai fait en chaire! Il faudrait qu’ils sachent si je pense que la
grâce est venue de moi; dans ce cas, je serais orgueilleux, mais ils ne le
savent pas et c’est un jugement téméraire de me l’attribuer. Les savants «astronomes» qui ont le bon sens
de savoir que tout chrétien doit connaître que la source de tout le bien qu’il
fait vient de Dieu, ne seraient pas bouleversés ni surpris de mon affirmation;
tout ce que je peux vouloir dire est que lorsque la lumière du divin Soleil a
éclairé le pécheur, c’était ma «face» en chaire qui réfléchissait la lumière de
la grâce. La preuve que je suis bien
convaincu de cela sera si je suis aussi content d’entendre le P. Paul parler des conversions qu’il a opérées
lui aussi en chaire. Si je n’aime pas à
l’entendre parler de ses réflexions de la lumière divine sur les hommes, c’est
donc que j’en suis jaloux et donc que je ne crois pas que tout le bien que je
fais vient de Dieu seul. Puisque je
considère comme un concurrent à ma gloire, je suis donc un orgueilleux au fond
de l’âme et je m’attribue le bien que je fais au moins en bonne partie… et cela
tant que je serai jaloux ou envieux, ou que je ne voudrai pas entendre les
autres parler de leurs exploits.
Que
chacun applique cette recette à ses jugements au sujet de ses bonnes actions et
au sujet de celles des autres. Comme cet
esprit de foi est rare chez les prêtres et les religieux! Que de jalousie! Comme on froisse les autres à parler du bien
qu’on pense faire! Comme ils nous disent
vite de nous taire! que nous nous
vantons! ignorants jansénistes! orgueilleux euxmêmes! sans amour de dieu ni des choses de
dieu! Apprenez votre leçon d’humilité de
la lune et des planètes! imbéciles!
La
gloire de Dieu exige que nous donnions à Dieu toute la gloire du bien que nous
faisons. Comme J-C. lui-même dit qu’il n’a jamais cherché sa
propre gloire, mais celle de son Père, à plus forte raison nous ne devons rien
faire pour nous-mêmes, mais uniquement pour la gloire de Dieu. La seule façon pratique de réussir là, c’est
de savoir que tout le bien qui est en nous ou que nous faisons vient de
Dieu. Les Apôtres font écho à la
doctrine de J-C.; ils enseignent que nous devons tout faire pour la gloire de
Dieu, soit que nous mangions, soit que nous buvions et quelque autre chose
qu’on fasse, que ce soit pour la gloire de Dieu. C’est ce que Dieu veut que nous demandions
dans le Notre Père dans la première demande: que votre nom soit sanctifié! le souverain domaine consiste en ce que Dieu
contrôle absolument tous les êtres avec leur activité propre, qu’il en reste le
Maître absolu, qu’il peut les reprendre quand il veut. La conclusion est que tous nos biens ne nous
sont que prêtés; nous n’en avons que l’usufruit, Dieu reste le propriétaire. Là est l’idée fondamentale de l’humilité
parfaite, qui nous permet quand même d’admirer ces biens, de les louer sans
être orgueilleux.
Exemple:
Un millionnaire m’invite à faire un tour dans sa superbe automobile. Voyons trois façons différentes d’agir. Avec l’humilité des jansénistes; supposons
que je suis entouré de mes amis qui louent cette belle machine et le
propriétaire est assis à côté de moi.
Alors je proteste contre ces louanges: c’est une vieille charrette,
bonne à rien, de la pourriture! On voit
tout de suite la sottise d’agir de la sorte.
Le propriétaire va être choqué et il ne me donnera plus la chance de
sortir dans sa voiture. Tout est faux et
fou! En orgueilleux: quand mes amis me
félicitent de ma belle automobile je les laisse sous l’impression qu’elle est à
moi, je leur parle de mon auto, que je me suis achetée dernièrement! On comprend que le propriétaire qui entend
tout cela sera indigné contre moi et il est bien sûr que je ne pourrai plus
monter avec lui. En chrétien vraiment
humble: Selon la vérité, j’accepte les louanges de mes amis, je renchéris même
et j’ajoute les miennes en plus, je me dis très heureux de me promener dans
cette superbe voiture, puis d’un geste et d’un mot aimable je passe toutes ces
louanges au propriétaire en l’indiquant à mes amis. Tout le monde est content et tout est vrai et
je reste l’ami du millionnaire! Voilà la
vraie humilité pleine de vérité, de joie et de charité et qui rend tout le
monde heureux et donne à Dieu toute sa gloire et à nous tout le mérite.
La
folie de la croix nous aide puissamment à devenir humbles devant Dieu. Le grand obstacle à l’humilité est
naturellement notre amour-propre. Chacun
s’aime tellement qu’il veut pour lui toute la gloire de ce qu’il fait. Eh bien!
Avec l’idée de la folie de la croix on peut transformer cet amour-propre
en véritable humilité! Voici
comment. On sait que d’après cette folie
il faut faire pourrir et mourir son grain de blé pour qu’il soit multiplié par
Dieu. Selon cette sagesse de Dieu, mais
folie pour les hommes, plus un cultivateur aime du grain et plus il en jette en
terre ou en sème pour en récolter. Eh
bien! Puisque j’aime tant mon être, je
devrais vouloir l’éterniser. Comment le
faire sinon en le semant par le sacrifice, en m’oubliant dans le bon sens,
comme déjà expliqué. C’est donc mon
intérêt de me mépriser, de renoncer à ma gloire pour me récolter et en récolter
dans le ciel. Une fois bien compris, les
plus païens, les plus pleins d’eux-mêmes, peuvent devenir les plus humbles en
pratiquant la folie de la croix pour son être propre, comme pour son grain de
blé. On a un beau cas dans la vie de St
F. Xavier. Il était une grande âme, il voulait se signaler
à faire de grandes choses dans le monde simplement pour avoir de la gloire
humaine: c’était donc son amour-propre.
St Ignace se mit à exploiter son désir de gloire humaine. Puisque tu en veux tant, arrange-toi donc
pour en avoir qui dure éternellement.
Parce que tu aimes la gloire humaine, sème-la afin de récolter la gloire
céleste. Il vit le bon sens de ce
raisonnement et il devint très humble devant Dieu, d’orgueilleux qu’il était
par nature. Toute l’énergie qu’il était
pour mettre au service de sa gloire humaine, il la mit à procurer la gloire de
Dieu. Il s’effaça en ce monde pour
mettre Dieu à sa place… et en l’autre monde Dieu le mit avec lui dans sa gloire
pour toujours.
Tout
chrétien doit surveiller sévèrement ses sentiments au sujet de l’humilité; car
Dieu est extrêmement jaloux de sa gloire.
Il ne donne pas ses dons à ceux qui vont le voler dans sa gloire. Même les prêtres et les religieux ne sont pas
assez délicats sur ce point. Que
d’orgueil là! Comme on est jaloux les
uns des autres! Comme il faut encenser
ces gens pour les faire travailler!
Comme ils boudent si on ne les félicite pas! C’est du paganisme tout pur! C’est un grand manque de foi général!… ses
signes
Le
signe de la vraie humilité est la joie qu’elle donne. Au ciel nous aurons la plus parfaite humilité
possible, en même temps la plus grande joie possible; eh bien! pourquoi ne pas commencer cette attitude
mentale tout de suite sur la terre en pratiquant la vraie humilité parfaite,
qui consiste simplement à attribuer à Dieu tous les biens que nous recevons, ce
qui loin de nous empêcher de nous réjouir en eux, augmente considérablement
notre joie quand on pense à la bonté de Dieu qui est content de nous donner ces
biens. Or la joie est expansive,
communicative; les vrais humbles aiment donc à parler des bonnes choses qu’ils
font ou qu’ils ont. C’est le désespoir
des jansénistes grincheux avec leur humilité malcommode et mal comprise; qu’on
ne s’en occupe pas du tout! Leur
doctrine est la mort de la joie dans le Seigneur si souvent recommandée par les
Apôtres et par les saints. Quelle triste
engeance que ces humbles nigauds en grande majorité partout! Véritables instruments des démons pour gâter
toutes les belles vertus nécessaires dans la vie de communauté: la joie, la
charité, l’encouragement, l’émulation.
Ses signes viennent donc de cette joie: 1.- Être content de soi. Est-ce qu’un enfant bien élevé n’est pas
toujours content? Il n’est pas exigeant,
il n’est pas difficile, comme il sait qu’il ne mérite rien par luimême; tout le
bien qu’il reçoit lui vient de la bonté de ses parents en qui il a une
confiance illimitée. Comme on aime de
tels enfants! Soyons-le donc devant Dieu
qui est autrement bon que nos parents.
Avons-nous le droit d’être exigeants pour les biens de Dieu? Les méritons-nous? Pas du tout!
Alors tout ce qu’il nous donne dépasse nos mérites, nous vient de la
pure bonté divine. Soyons donc contents
et remercions Dieu de ce qu’il fait. Ce
n’est pas de la bonne humilité que de se disputer dans la vie spirituelle, de
se plaindre de sa pauvreté devant Dieu.
L’amour-propre a une très grande part dans ces jérémiades de notre peu
de vertu. Prenons la tournure des
enfants bien élevés! Donc toujours
contents de ce qui nous arrive et donc de soi.
Le péché seul ne vient pas de Dieu et doit nous attrister.
2.-
Être toujours content des autres. Si je
suis convaincu que tout le bien que je fais vient de Dieu, c’est la même vérité
pour les autres. Donc le signe sera si
je suis aussi content de tout ce qu’ils font que de ce que je fais. Si je les regarde comme des rivaux, que le
bien qu’ils font nuit à ma gloire, je manque de foi pour moi comme pour
eux. Un bon critère est avec quel esprit
on entend les autres parler de leurs exploits!
dès que cela choque tant soit peu, nous sommes jaloux et donc
orgueilleux et païens. Comme cette joie
du travail des autres est rare dans le clergé et dans les communautés! Encore plus chez les gens du monde. Quelle jalousie parmi les bonnes gens qui
travaillent dans les organisations paroissiales! 3.- Être prêt à prendre n’importe quelle
charge. Que de fois on entend dire qu’un
tel a refusé une charge par humilité! Ce
n’est pas vrai! On a peur des tracas, la
nécessité de se surveiller! d’être
surveillé! Des louanges? C’est donc qu’on croit en mériter? Si on a conscience de sa faiblesse, les
louanges ne pourraient que tourner à notre confusion. Ce serait un fiasco? Quel inconvénient pour un homme humble? Moïse a voulu faire de cette humilité en
refusant la charge de délivrer son peuple.
Dieu entra en colère et lui dit de marcher, qu’il le choisissait
justement à cause de ses déficiences. Sa
gloire à Dieu en serait d’autant plus grande.
Les cruchons glorifient Dieu plus que les autres! Qu’il y pense deux fois avant de m’offrir une
charge… je l’accepte tout de suite par humilité!
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